Contrat de travail

Les avenants temporaires, une pratique ancienne

La pratique de l’augmentation de la durée du travail de salariés à temps partiel au moyen d’un avenant temporaire au contrat de travail existe depuis de nombreuses années. Cette pratique a d’ailleurs parfois été initiée par une convention collective (par exemple CCN propreté, avant l’avenant du 5 mars 2014).

La Cour de cassation l’avait néanmoins condamnée en décidant que les règles fixant la rémunération des heures complémentaires sont des règles d’ordre public auxquelles il ne peut être dérogé. Par conséquent, toutes les heures effectuées au-delà de la durée contractuelle ont la nature d’heures complémentaires qu’elles soient imposées par l’employeur ou qu’elles soient prévues par avenant au contrat de travail à temps partiel en application d’un accord collectif. Dès lors, même si le volume horaire est temporairement modifié par avenant, les heures effectuées au-delà du dixième de la durée contractuelle supportent la majoration de 25% (Cass. soc., 7 décembre 2010, n° 09-42.315).

Une pratique sécurisée par la loi de sécurisation de l’emploi

Pour résoudre les difficultés liées à ces avenants temporaires, en 2013, la loi de sécurisation de l’emploi (n°2013-504 du 14 juin 2013) a permis à une convention ou un accord de branche étendu de prévoir qu’un avenant au contrat de travail peut augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat de travail.

La convention ou l’accord :

  • détermine le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de 8 par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné ;
  • peut prévoir la majoration des heures effectuées dans le cadre de cet avenant ;
  • détermine les modalités selon lesquelles les salariés peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures.

L’avenant au contrat de travail mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée de travail fixée par le contrat de travail (C. trav., art. L. 3123-6). Dans ce cas, les heures comprises dans l’avenant ne sont pas des heures complémentaires et ne donnent pas lieu à majoration, sauf si l’accord collectif le prévoit. A cet égard, le rapport de la commission des affaires sociales de l’AN rendu lors de l’adoption de la loi de 2013 a bien souligné que le régime du complément d’heures est dérogatoire au régime des heures complémentaires : dans le cadre de ce complément d’heures, les heures effectuées par le salarié ne donnent lieu à aucune majoration, dans la mesure où ce complément se substitue temporairement à la durée prévue au contrat.

Seules les heures complémentaires éventuellement accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration qui ne peut être inférieure à 25 %.

Si cette réglementation a sécurisé le recours aux avenants temporaires et le régime des heures ainsi effectuées, elle n’a toutefois pas apporté de réponse claire à une question pourtant fréquente : le recours au complément d’heures par avenant permet-il de porter la durée du travail temporairement au niveau de la durée légale (ou conventionnelle) ?

Une dernière incertitude : la possibilité du temps complet ?

Lors du processus d’adoption de la loi de sécurisation de l’emploi, le rapport de la commission des affaires sociales de l’AN a indiqué que « Rien n’interdit que le dispositif des compléments d’heures puisse permettre au salarié d’atteindre temporairement la durée légale du travail, auquel cas son contrat est assimilable à un contrat à temps plein le temps de la durée de l’avenant. ». (Rapport AN Germain n°847). Le rapport du Sénat allait toutefois en sens inverse (Rapport Sénat n°801).

Certains accords de branche – étendus – autorisent expressément de porter le durée du travail à temps complet, voire au-delà, dans le cadre du recours au complément d’heures (par exemple Convention collective nationale des avocats et de leur personnel : Avenant n° 115 du 18 décembre 2015 relatif au travail à temps partiel des cadres ; CCN commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile : Avenant n° 69 du 3 juillet 2014 relatif au travail à temps partiel ; CCN du personnel des cabinets médicaux : Avenant n° 64 du 1er juillet 2014 relatif au travail à temps partiel).

L’incertitude a donc subsisté : la loi n’interdit pas expressément que, par avenant accepté formellement par le salarié, la durée du travail puisse atteindre, temporairement, la durée légale du travail, mais la sévérité de la jurisprudence passée de la Cour de cassation en la matière pouvait inciter à une certaine prudence (par exemple : contrat de travail à temps partiel requalifié en contrat de travail à temps complet lorsque l’exécution d’heures complémentaires a pour conséquence de porter la durée du travail au niveau de la durée légale, et ce même si cette durée est atteinte en application d’avenants temporaires au contrat de travail : Cass. soc., 24 mars 2010, n° 08-42.186 ; voir également Cass. soc., 12 mars 2014, n°12-15.014 : le dépassement de la durée légale pendant une durée d’un mois sur 8 années de relations contractuelles entraîne la requalification en temps plein).

La Cour de cassation tranche pour la première fois cette question de façon claire

Dans un arrêt du 21 septembre 2022 (Cass. soc., 21 septembre 2022, n°20-10.701), la Cour de cassation tranche de façon claire cette question, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2013. Elle estime que la conclusion d’un avenant de complément d’heures à un contrat de travail à temps partiel, en application d’une convention ou d’un accord collectif étendu (en l’espèce, l’article 6.2.5.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés) conclu en application des dispositions légales, ne peut pas avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.