Rupture

L’information du salarié en pratique…

Lorsqu’un employeur prend la décision de procéder au licenciement d’un collaborateur, il peut considérer qu’il est plus « correct » à son égard, notamment au regard des années de collaboration professionnelle passées ensemble, de le prévenir de l’envoi du courrier de notification du licenciement plutôt que ce dernier ne le découvre dans sa boite aux lettres.

Si la démarche est louable sur le plan humain, elle doit être utilisée avec une grande précaution en raison des conséquences possibles sur le plan juridique.

Bon nombre d’employeurs se sont déjà mordu les doigts d’avoir opté pour une telle démarche ; celle-ci ayant été ultérieurement sanctionnée par une décision de justice.

… qui peut avoir de lourdes conséquences juridiques

Les dispositions légales rappellent que la décision de licenciement est notifiée au salarié par lettre recommandée avec avis de réception.

C’est l’envoi de ce courrier recommandé qui manifeste la volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail, et qui acte la rupture du contrat de travail (quand bien même le préavis, lui, ne commence à courir qu’au jour de la première présentation du courrier recommandé au domicile du salarié).

Par conséquent, si l’annonce orale du licenciement est faite au salarié avant que le courrier de licenciement ne soit expédié, la rupture, pour la jurisprudence, s’assimile à un licenciement verbal et donc à un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

C’est cette chronologie, entre annonce orale et annonce écrite, qui est évoquée dans l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 28 septembre 2022 (n°21-15.606).

L’employeur avait été condamné par la Cour d’Appel pour avoir informé oralement le salarié de l’envoi de la lettre de licenciement, dans l’objectif de lui indiquer qu’il n’était pas nécessaire qu’il se présente à son poste le lendemain. La Cour de cassation nuance l’arrêt d’appel et indique que le juge devait établir la chronologie des évènements pour déterminer si le courrier recommandé, manifestant la volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail, avait été expédié :

  • avant l’appel téléphonique d’information, la procédure de licenciement ayant dans ce cas été respectée
  • ou après, le licenciement étant alors jugé comme « verbal » et donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. 

La sévérité de la jurisprudence sur le licenciement « verbal » aboutit à envisager des solutions moins satisfaisantes humainement à l’égard du salarié :

  • ne le prévenir que tardivement dans la journée, pour être certain que le recommandé a bien été pris en charge par les services postaux.
  • le laisser revenir dans les locaux le jour suivant l’envoi de la lettre recommandé notifiant le licenciement, et le prévenir à son arrivée en lui demandant éventuellement de repartir en cas de dispense (ou d’absence) de préavis.