Rupture

Les principes de laïcité et de neutralité du service public qui résultent de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé.

Les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes constituées sous forme d’association sont des personnes de droit privé gérant un service public.

Il s’ensuit que le salarié de droit privé employé par une mission locale pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes, constituée sous forme d’association, est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions.

Par ailleurs, certaines collectivités territoriales et établissements publics peuvent, lorsque les besoins du service le justifient, bénéficier de la mise à disposition de personnels de droit privé pour la réalisation d’une mission ou d’un projet déterminé qui ne pourrait être mené à bien sans les qualifications techniques spécialisées détenues par un salarié de droit privé. Les règles déontologiques qui s’imposent aux fonctionnaires sont opposables aux personnels mis à disposition.

Il en résulte que le salarié de droit privé mis à disposition d’une collectivité publique territoriale est soumis aux principes de laïcité et de neutralité du service public et dès lors à une obligation de réserve en dehors de l’exercice de ses fonctions.

En l’espèce, le salarié, conseiller en insertion sociale et professionnelle, référent au sein de la commune de X pour les missions d’insertion auprès d’un public de jeunes en difficulté scolaire et professionnelle, en grande fragilité sociale, avait publié sur son compte Facebook ouvert à tous, sous son propre nom, des commentaires mentionnant « Je refuse de mettre le drapeau… Je ne sacrifierai jamais ma religion, ma foi, pour un drapeau quel qu’il soit », « Prophète ! Rappelle-toi le matin où tu quittas ta famille pour aller placer les croyants à leurs postes de combat ».

Le salarié a été licencié pour faute grave, ces faits caractérisant des « manifestations politiques et religieuses qui débordent, d’une part de [sa] vie personnelle et, d’autre part, qui comportent des excès remettant en cause la loyauté minimale requise par la qualité juridique de [sa] mission de service public » et constituant une atteinte à l’obligation de neutralité du salarié, laquelle « englobe un devoir de réserve ainsi qu’une obligation de respect de la laïcité », et un abus de sa liberté d’expression.

Le juge du fond a estimé que l’employeur a discriminé le salarié en raison de l’expression de ses opinions politiques et de ses convictions religieuses en procédant à son licenciement et a annulé le licenciement.

A tort selon la Cour de cassation : le juge du fond aurait dû rechercher :

  • si la consultation du compte Facebook du salarié permettait son identification en qualité de conseiller d’insertion sociale et professionnelle affecté au sein de la commune de X, notamment par les jeunes en difficulté auprès desquels le salarié exerçait ses fonctions,
  • et si, au regard de la virulence des propos litigieux ainsi que de la publicité qui leur était donnée, lesdits propos étaient susceptibles de caractériser un manquement à l’obligation de réserve du salarié en dehors de l’exercice de ses fonctions en tant qu’agent du service public de l’emploi mis à la disposition d’une collectivité territoriale,

en sorte que son licenciement était justifié par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens du code du travail.

Cass. soc., 19 octobre 2022, n°21-12.370, FS-B