Dans un arrêt rendu aujourd’hui, la CJUE décide que la règle interne d’une entreprise interdisant le port visible de signes religieux, philosophiques ou spirituels ne constitue pas une discrimination directe si elle est appliquée de manière générale et indifférenciée à tous les travailleurs.
La Cour observe qu’une disposition d’un règlement de travail d’une entreprise interdisant aux travailleurs de manifester en paroles, de manière vestimentaire ou de toute autre manière, leurs convictions religieuses ou philosophiques, quelles qu’elles soient, ne constitue pas, à l’égard des travailleurs qui entendent exercer leur liberté de religion et de conscience par le port visible d’un signe ou d’un vêtement à connotation religieuse, une discrimination directe « fondée sur la religion ou les convictions », au sens du droit de l’Union, dès lors que cette disposition est appliquée de manière générale et indifférenciée.
En effet, dès lors que chaque personne est susceptible d’avoir soit une religion, soit des convictions religieuses, philosophiques ou spirituelles, une telle règle, pour autant qu’elle soit appliquée de manière générale et indifférenciée, n’instaure pas une différence de traitement fondée sur un critère indissociablement lié à la religion ou à ces convictions.
Elle précise qu’une règle interne telle que celle appliquée dans l’affaire en cause est toutefois susceptible de constituer une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou sur les convictions s’il est établi que l’obligation en apparence neutre qu’elle contient aboutit, en fait, à un désavantage particulier pour les personnes adhérant à une religion ou à des convictions données.
La Cour ajoute qu’une différence de traitement ne serait pas constitutive d’une discrimination indirecte si elle était objectivement justifiée par un objectif légitime et si les moyens de réaliser cet objectif étaient appropriés et nécessaires, tout en rappelant que la simple volonté d’un employeur de mener une politique de neutralité, bien que constituant, en soi, un objectif légitime, ne suffit pas, comme telle, à justifier de manière objective une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ou les convictions, le caractère objectif d’une telle justification ne pouvant être identifié qu’en présence d’un besoin véritable de cet employeur, qu’il lui incombe de démontrer.
La Cour relève enfin que, lors de l’appréciation de l’existence d’une justification à une discrimination indirecte, le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce qu’une juridiction nationale accorde, dans le cadre de la mise en balance des intérêts divergents, une plus grande importance à ceux de la religion ou des convictions qu’à ceux résultant,
notamment, de la liberté d’entreprendre, pour autant que cela découle de son droit interne.
(CJUE, 13 octobre 2022, aff. C-344/20 – d’après communiqué)