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À l’heure du regroupement des anciennes instances sociales (Délégués eu personnel, Comité d’entreprise et CHSCT), en un seul futur Comité sociale et économique (CSE), le sort réservé aux traditionnelles expertises diligentées à l’initiative du CE et du CHSCT tend, enfin, à suivre le chemin d’une normalisation et d’un encadrement souhaités depuis de nombreuses années… par Laure Marques, avocat senior associate Capstan Avocats

Souvenons-nous tout d’abord qu’avant les réformes successives initiées depuis la Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, les expertises votées par le comité d’entreprise et, surtout,  le CHSCT étaient sources de nombreux contentieux.

Cette judiciarisation avait essentiellement trouvé un point d’entrée avec le développement des pouvoirs et compétences du CHSCT, instance désormais incontournable dans de nombreuses procédures d’information-consultation pour les domaines relevant de ses compétences (au titre desquelles figurent la santé, la sécurité et les conditions de travail des travailleurs).

A cela s’ajoutait le développement, quasi anarchique, des expertises au sein d’une seule entreprise, chaque CHSCT disposant pendant longtemps d’un droit propre à obtenir, sur son périmètre, la désignation d’un expert.

Une première solution législative a été apportée par la loi précitée de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 : l’instance de coordination (dont la fin est programmée au plus tard le 1er janvier 2020 conformément à l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 créant le CSE) était créée dans le but d’engager à son niveau le vote d’une expertise relative à un projet touchant soit l’entreprise et l’ensemble de ses établissements, soit au moins deux de ses établissements (Article L. 4616-1 ancien du Code du travail).

En dehors de cette première mesure, qui traduisait le souhait du législateur d’engager un processus d’encadrement du recours aux expertises par le CHSCT, les questions relatives à leur nécessité et à leur étendue demeuraient sources de contentieux importants.  

Les disparités de jurisprudences entre les juridictions du fond créaient de surcroît une insécurité juridique pour l’employeur, tout comme l’intérêt du recours. La saisine du Juge ayant été, jusqu’à la loi Travail du 8 août 2016 et la réécriture de l’article L. 4614-13 du Code du travail, sans effet sur le déroulement de l’expertise, qui pouvait être menée en parallèle du recours judiciaire, et qui restait, même après une annulation de la délibération, à la charge de l’employeur.

Pour leur part, les expertises CE étaient, de façon moins évidente, concernées par ces questions, notamment parce que dans leur grande majorité, la loi délimite les cas de recours. Cependant, l’employeur seul devant supporter leur charge financière (La Loi relative au dialogue social et à l’emploi du 17 août 2015 avait cependant introduit un un co-financement de l’employeur et du CE pour les expertises relatives aux orientations stratégiques, à hauteur de 20% du montant de l’expertise, plafonnée au tiers de son budget annuel de fonctionnement, article L. 2323-10 ancien du Code du travail), le contentieux de la désignation de l’expert, du coût de celle-ci et de son délai trouvait également un retentissement croissant devant les Juges. 

Ce manque de clarté et de sécurité juridique est en passe d’être, au moins en partie, combattu par l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017.  C’est en tout cas le souhait affiché par la réforme. 

Sous l’empire du CSE, le régime juridique des expertises est redéfini et mieux encadré.

Tout d’abord mécaniquement, par l’effet de la fusion des différentes instances au sein d’un seul et même Comité et la possibilité du vote des expertises par le seul CSE, éventuellement sur proposition des commissions qui le compose dont la commission Santé, Sécurité et Conditions de Travail -CSSCT-.

Ensuite, formellement, par l’effet des obligations respectivement imposées au CSE, à l’employeur et à l’expert.

Ainsi, à compter de la désignation de l’expert, le CSE aura l’obligation d’établir un cahier des charges (Article L. 2315-81-1 nouveau du Code du travail). Le délai de 10 jours laissé à l’expert, à compter de sa désignation, pour préciser à l’employeur l’étendue, la durée et le coût prévisionnel de l’expertise (article précité), obligera l’instance et l’expert à un travail préparatoire en amont, au plus tard dès sa désignation, pour limiter les risques de voir l’expertise éventuellement déclarée caduque.

Pour sa part, la saisine du Juge par l’employeur, à plusieurs étapes de l’expertise, dans les 10 jours de la réalisation de l’événement (délibération du CSE, désignation de l’expert, notification du cahier des charges et des informations relatives au coût prévisionnel, à l’étendu et à la durée de l’expertise,  notification de la facture finale) devrait permettre de mieux délimiter l’intervention des experts et de purger les éventuels incidents au fur et à mesure du déroulement de la mission.

Le pendant de la réforme serait sur ce point, au regard de l’objectif de célérité poursuivi et des nombreux délais très brefs imposés par la réforme, que le contentieux de l’expertise soit déporté au fur et à mesure, vers des questions de forme et de techniques de procédure …