Contrat de travail

LE DÉFI DU SENS AU TRAVAIL 

La crise a renforcé les aspirations sociétales pour de très nombreux salariés. La quête de sens est devenue un élément déterminant pour beaucoup dans la construction de leur projet professionnel. Nombreux sont ceux qui se posent aujourd’hui la question suivante : quel est l’impact positif de mon job pour la société ?  Ce qui est nouveau, c’est que cela ne concerne plus seulement les jeunes de la génération Z. La crise covid a agi pour beaucoup comme un révélateur. Désormais, un travail qui manque de sens devient une raison de quitter l’entreprise.

Si l’on observe le phénomène de la « grande démission », aux USA, on estime que près de 40 millions de personnes ont démissionné en 2021, dont près de la moitié alors qu’ils n’avaient pas d’emploi ailleurs. Les salariés veulent donc pouvoir :

  • trouver un sens à leur travail,
  • comprendre l’utilité de leur job,
  • comprendre et mesurer l’impact positif de leur job sur la société.

Au-delà, les salariés sont de plus en plus attentifs à vérifier si les valeurs de l’entreprise sont compatibles avec les leurs. Les entreprises qui ne sont pas capables d’intégrer cette évolution risquent de subir l’impact de départs en nombre, mais aussi de ne plus être suffisamment attractives pour attirer de nouveaux talents. Cette question du sens au travail doit clairement interroger la politique RH de l’entreprise.

L’ADOPTION DE CRITÈRES ESG PAR L’ENTREPRISE

L’adoption de critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) peut concrètement participer à cette démarche. Les critères ESG permettent d’évaluer la prise en compte du développement durable et des enjeux de long terme dans la stratégie des entreprises. Il s’agit de critères extra-financiers éloignés des standards financiers habituels  Les salariés prennent de plus en plus souvent en compte ces indicateurs pour choisir les entreprises au sein desquelles ils envisagent d’exercer ou poursuivre leur activité professionnelle.

D’un point de vue RH, l’adoption de critères ESG par l’entreprise matérialise, pour les salariés, la démarche dans laquelle s’inscrit leur activité professionnelle. Chaque salarié peut ainsi concrètement vérifier si la trajectoire de leur entreprise est en adéquation avec ses propres valeurs. Ces critères ESG peuvent ensuite être déclinés dans toute la politique RH (rémunération, évaluation, formation, …)..

Le salarié est alors lui aussi acteur de la stratégie ESG de l’entreprise et contribue à l’impact positif, ce qui est individuellement valorisant et porteur de sens.

DE NOUVELLES FORMES SOCIÉTAIRES : LES SOCIÉTÉS À IMPACT POSITIF

Depuis quelques années, se sont développées de nouvelles formes sociétaires, qui intègrent très concrètement dans leurs statuts et leur format de gouvernance des objectifs ESG. L’entreprise n’est donc plus gouvernée dans le seul intérêt des actionnaires, mais au regard d’objectifs d’intérêt général, qui sont définis et dont l’atteinte est auditée et mesurée.

Quelques exemples :

  • Aux USA, il s’agit des benefit corporation ou B corporation.
  • En Italie, la loi du 28 décembre 2015 a créé, dans le même esprit, la Societa benefit.
  • En France, la loi “Pacte” de 2019 a consacré le statut d’entreprise à mission (voir « L’entreprise engagée : raison d’être, mission… »).

Une dynamique mondiale est donc engagée et va se poursuivre.

On peut à cet égard relever la résolution du parlement européen adoptée le 17 décembre 2020 sur la gouvernance d’entreprise durable. Il y est affirmé que “lorsqu’il s’agit des entreprises, une approche fondée sur la durabilité implique que les entreprises tiennent dûment compte des préoccupations sociétales et environnementales”. Le Parlement de l’UE invite la commission à présenter rapidement de nouveaux textes affirmant des obligations plus fortes pour les entreprises sur ces sujets.

QUEL CONTROLE ?

Les ONG exercent régulièrement des campagnes à l’encontre de sociétés dont les pratiques apparaissent en violation des engagements ESG (“name and shame”).

Mais les représentants du personnel sont eux aussi de plus en plus impliqués. Des actions sont désormais portées par les syndicats contre les entreprises. Par exemple, depuis quelques années, se développent des actions en violation des principes directeurs de l’OCDE à destination des entreprises multinationales et la conduite responsable des entreprises. Les représentants du personnel sont appelés à jouer un rôle de “vigie” de plus en plus important dans le contrôle de l’action menée par l’entreprise en matière ESG.

L’exemple français en matière de lutte contre le réchauffement climatique, à travers la loi d’août 2021, est éloquent. Il est notamment imposé aux entreprises de donner au comité social et économique (CSE) des informations sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise, permettant de suivre, régulièrement, la politique et l’action réelle de l’entreprise et d’en tenir informés les salariés (pour plus de détails, voir : (voir « Un CSE plus vert ? »).

Comment construire une pratique RH résiliente ?

« Building a resilient HR practice » : Le rapport réalisé par notre alliance internationale Ius Laboris propose un éclairage sur les axes prioritaires d’une pratique RH résiliente, à travers les regards croisés d’avocats de plusieurs pays.