Statut collectif

Les ordonnances Macron de septembre 2017 ont porté les réformes du quinquennat en matière de droit du travail. Dès leur adoption, un comité d’évaluation a été désigné pour mesurer, dans le temps, l’impact réel de la réforme et son efficacité.

Après 4 années de mise en œuvre, dans un rapport publié le 16 décembre 2021, ce comité rend compte des enseignements identifiés à ce stade sur la mise en œuvre des ordonnances et de tendances sur les pratiques susceptibles de leurs être associées.

3 enseignements saillants ressortent de ce rapport :

1. TRANSFERT DE LA LOI VERS LA NEGOCIATION COLLECTIVE

L’un des objectifs premiers des ordonnances de 2017 était d’accélérer un mouvement de transfert, pour l’élaboration de la norme en droit du travail, de la loi vers la négociation collective (et en particulier au niveau des entreprises, au plus près du « terrain »).

Des outils ont été mis en place pour accompagner ce mouvement, mais pour quel résultat ? L’analyse des données chiffrées confirme une certaine efficacité des réformes opérées.

Deux constats méritent particulièrement d’être soulignés :

Une accélération de la conclusion d’accord collectifs dans les entreprises de moins de 50 salariés

Jusqu’alors, les dispositifs de négociation dérogatoire (c’est-à-dire d’accords collectifs conclus sans délégués syndicaux) peinaient à trouver leur place.

Si l’on conjugue les accords conclus avec les élus ou des salariés mandatés et ceux issus d’une ratification directe par les 2/3 des salariés, leur nombre (hors épargne salariale) a été multiplié par 5 entre 2017 et 2020.

Le succès des accords de performance collective (anciennement de compétitivité)

Leur nombre s’établit désormais en total cumulé à près de 900 APC conclus, en progression constante depuis 2017.

On évoque trop souvent les échecs de ce type de négociation ; les chiffres publiés démontrent, au contraire, que ces dispositifs ont trouvé leur place dans notre tissu conventionnel. Le volume d’APC conclus témoigne d’une maturité du dialogue social dans un certain nombre d’entreprises en France qu’il convient de souligner.

2. REFONTE DES IRP

Un 2ème objectif des ordonnances de 2017 était de simplifier et renforcer le dialogue social, notamment par une refonte du paysage des IRP. La fusion des instances a été la mesure phare de ces réformes. Elle visait à éviter la multiplicité des instances, les chevauchements de prérogatives et à doter les représentants du personnel d’une vision plus complète et transversale des sujets abordés.

A ce jour, il n’est pas possible de disposer de données permettant de quantifier l’impact de ces réformes sur le nombre global d’élus. C’est sans aucun doute dans les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises, où les délégués de personnel s’ajoutaient aux élus du comité d’entreprise et aux membres du CHSCT, que la réduction a pu être la plus forte selon le rapport.

Il est relevé que la fusion des instances a conduit mécaniquement à réduire le nombre de réunions. Celles-ci sont globalement moins fréquentes, conformément à l’objectif de rationalisation. Mais, elles s’avèrent en revanche généralement beaucoup plus longues, avec des ordres du jour plus denses.

Il y a incontestablement à trouver des modalités de fonctionnement plus équilibrée. Elles existent, mais elles doivent être désormais mieux adaptées à chaque environnement. Les ordonnances de 2017 offrent une agilité certaine qui n’a pas encore été totalement explorée…

3. SECURISATION DES NORMES

Le 3ème objectif visait à rendre les règles régissant la relation de travail plus prévisibles et plus sécurisantes pour l’employeur comme pour les salariés.

La mesure la plus emblématique a été la mise en place d’un barème d’indemnisation en cas de contentieux prud’homal (le fameux barème « Macron »). Nous ne reviendrons pas sur les débats qui ont agité l’adoption de ce dispositif et les discussions autour de sa validité ; question désormais tranchée par la Cour de cassation (Cass., ass. plén., avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019).

Les chiffres produits par le comité d’évaluation confirment une diminution du nombre de contentieux post-licenciement. Cette évolution s’inscrit dans un mouvement déjà engagé depuis de nombreuses années et qui s’était accentué depuis la réforme de la procédure prud’homale mise en œuvre à partir de 2016.

Selon les termes mêmes du comité d’évaluation, il est difficile de mesurer si la poursuite de la baisse du volume des contentieux portés devant les conseils de prud’homme est la conséquence des effets des ordonnances de 2017.

Le rapport constate qu’il est tout aussi difficile d’établir si la hausse des embauches constatée depuis les ordonnances de 2017 est une conséquence de la réforme. L’objectif était de faciliter l’embauche en rendant plus prévisibles les conséquences (notamment financières) d’une rupture si elle devait, par la suite, intervenir…

Selon le comité d’évaluation, les données les plus objectives dont on dispose permettent de constater que, dans leur très grande majorité, les juridictions prononcent des condamnations qui appliquent rigoureusement le barème Macron.

Ce que ne dit pas le rapport, en revanche, c’est que des stratégies de contournement du barème ont été mises en place. En effet, depuis les ordonnances de 2017, des demandes non couvertes par le champ du barème ont « fleuri » dans les contentieux (discrimination, harcèlement, heures supplémentaires, …).

 

Le comité d’évaluation indique que sa mission n’est pas achevée. Reste à savoir si la réforme de 2017 sera bousculée par de nouveaux ajustements ou une réforme plus profonde du droit du travail d’ici quelques mois.

2022 est en effet une année d’élection présidentielle…