Par un arrêt du 24 septembre 2020, promis à la plus large diffusion (Cass. 2e civ. 24 septembre 2020 n°19-13.194, P + B + R +I), la deuxième Chambre civile a mis un coup d’arrêt à une pratique de certaines Urssaf consistant à reconstituer le montant brut des sommes réintégrées dans l’assiette des cotisations pour calculer le montant dû par le cotisant à l’occasion d’un redressement.
Une pratique contestable de certaines Urssaf
En principe, les cotisations sociales et charges assimilées au titre de la législation de la sécurité sociale, sont calculées, lors de chaque paie, sur l’ensemble des sommes comprises dans ladite paie, telles qu’elles sont définies à l’article L. 242-1 du code la sécurité sociale, y compris, le cas échéant, la valeur représentative des avantages en nature consentis aux salariés.
Il arrive que les cotisants omettent, par ignorance ou oubli, de soumettre ces avantages en nature aux cotisations sociales, ce que ne manquent pas de rectifier les inspecteurs du recouvrement à l’occasion de leur contrôle.
En l’occurrence, la société cotisante avait omis de soumettre aux charges sociales, certains frais professionnels non justifiés : des cadeaux offerts par l’employeur, des prises en charge de loyers par l’employeur pour les salariés en mobilité ou encore certains avantages en espèce.
Lors d’un contrôle d’application de la législation de sécurité sociale, l’inspecteur du recouvrement proposa de réintégrer ces irrégularités dans l’assiette des cotisations. Or pour ce faire, l’Urssaf part du postulat suivant :
- Dans la mesure où il appartient à l’employeur de précompter la quote-part de cotisations salariales dues par le salarié avant de lui servir l’avantage ou les sommes lui revenant, les sommes ou avantages en nature perçus par le salarié, sont par nature des éléments de rémunération nets de charges salariales ;
- Or les cotisations sociales se calculent sur les rémunérations brutes.
En conséquence l’Urssaf reconstitue le montant brut de la valeur représentative de l’avantage en nature et c’est ce montant brut qui est l’objet du redressement.
Une pratique désormais condamnée par la Cour de cassation
Cette méthode est depuis longtemps contestée par les cotisants quant à ses modalités d’application, dans la mesure où le cotisant est tenu dans l’ignorance du mode calcul utilisé par l’Urssaf pour reconstituer l’assiette brute dont le paiement lui était réclamé.
Se fondant sur les dispositions de l’article R. 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale et sur un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2014 aux termes duquel la deuxième chambre civile avait jugé que la lettre d’observation qui ne mentionne pas le mode de calcul des redressements envisagés est de nature à entraîner la nullité de la procédure de contrôle et l’annulation des redressements subséquents (Cass. 2e civ. 18 sept. 2014 n° 13-21.682), de nombreuses entreprises cherchaient à obtenir l’annulation de leurs redressements fondés sur cette « brutalisation » des avantages en nature consentis aux salariés.
C’est encore ici ce que reprochait le cotisant au soutien de son pourvoi en cassation indiquant que « la conversion opérée par l’Urssaf rend indéterminable sa dette dès lors que le calcul de la reconstitution d’un montant brut est inconnu et invérifiable, la lettre d’observations n’expliquant nullement le calcul permettant de déterminer l’assiette sur laquelle est ensuite calculé le redressement. ». Le cotisant ajoutait qu’une « telle pratique de reconstitution en brut viole certaines règles et principe, et ne repose sur aucun fondement, l’assiette de cotisations étant constituée de la somme allouée à son collaborateur pour son montant nominal »
Pour la première fois, la Cour de cassation accueille ce moyen et juge en substance au visa des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code de la sécurité sociale que :
« Il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions particulières contraires, les cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales sont calculées sur le montant brut, avant précompte s’il y a lieu de la part des cotisations et contributions supportée par le salarié, des sommes et avantages compris dans l’assiette des cotisations.
Pour valider les chefs de redressement l’arrêt énonce essentiellement, que l’article R. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose que les cotisations à la charge des employeurs et des salariés sont calculées, lors de chaque paie, sur l’ensemble des sommes comprises dans ladite paie, telles qu’elle sont définies à l’article L. 242-1, y compris, le cas échéant, la valeur représentative des avantages en nature et qu’il s’en déduit que toutes les rémunérations versées aux salariés doivent, pour être réintégrées dans l’assiette des cotisations, être reconstituées en base brute.
En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la société n’avait pas procédé au précompte de la part des cotisations et contributions due par les salariés, de sorte que la réintégration des sommes afférentes aux avantages litigieux correspondait à leur montant brut, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Cette solution est heureuse, en ce que cette méthode de « brutalisation » artificielle des avantages consentis au salariés entrainait de facto une majoration injustifiée des redressements pratiqués !