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Principe : l’employeur est responsable des faits fautifs des salariés

L’employeur est civilement responsable du fait fautif de ses salariés (responsabilité civile dite du commettant du fait des préposés : C. civ., art. 1242). Ce principe est habituellement justifié par des raisons multiples : présomption de faute de l’employeur dans les instructions ou la surveillance du salarié, idée de risque créé par son activité, idée que le salarié ne fait que représenter l’employeur « puisqu’il agit pour le compte de ce dernier ; protection de la victime à qui il faut offrir un responsable solvable et enfin possibilité aisée pour [l’employeur] de s’assurer par une police « responsabilité du chef d’entreprise » dans le cadre professionnel » (A. Bénabent, Droit des obligations, LGDJ 2019, n°569).

Cette responsabilité ne fait pas de doute lorsque le salarié agit dans le cadre de l’exécution stricte de son travail. Par exemple un hôpital peut être reconnu civilement responsable d’un médecin anesthésiste-réanimateur pénalement condamné pour coups et blessures involontaires car ayant, à la suite d’une erreur de manipulation, rendu le patient infirme (Cass. crim., 5 mars 1992, n°91-81.888).

Inversement, lorsque les agissements délictueux du salarié sont sans rapport avec les fonctions, la responsabilité de l’entreprise est exclue sans difficulté, par exemple en cas de meurtre d’un salarié par un autre, commis avec une arme personnelle prise dans sa voiture et non avec un objet ou instrument pris sur le chantier (Cass. crim., 15 février 1977, n° 75-92.706).

La question de l’abus de fonction

Entre ces deux situations extrêmes se situe une zone un peu plus floue, celle de « l’abus de fonctions », ayant donné lieu à de multiples rebondissements jurisprudentiels dans les dernières décennies. Il est aujourd’hui admis que lorsque le salarié n’a pas agi dans l’exercice strict de ses fonctions mais que son acte n’était pas totalement étranger à celles-ci, dont il a abusé, l’employeur peut être tenu responsable.

L’employeur ne sera exonéré que si trois conditions cumulatives sont réunies (Cass. ass. plén., 19 mai 1988, n° 87-82.654) :

  • agissement du salarié hors des fonctions ;
  • sans autorisation ;
  • à des fins étrangères à ses attributions.

La jurisprudence admet largement la responsabilité civile de l’employeur dans ce cadre, car elle considère que la commission d’une infraction pénale par le préposé pendant le temps et à l’occasion du travail n’est pas un agissement étranger aux fonctions.

Les exemples jurisprudentiels admettant la responsabilité civile de l’employeur à l’égard de la victime sont multiples :

  • harcèlement moral commis par le directeur général et de la responsable des ressources humaines (Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 17-81.398) ;
  • professeur de musique qui avait abusé d’élèves placés sous son autorité, avait pratiqué des viols et agressions sexuelles dont il avait été reconnu coupable dans l’enceinte de l’établissement et pendant les cours qu’il devait y donner (Cass. civ., 2e 17 mars 2011, n°10-14.468) ;
  • salariés d’un restaurant ayant causé, pendant leur service, de graves blessures à leur collègue de travail en l’aspergeant d’alcool à brûler et en enflammant ses vêtements avec un allume-gaz (Cass. crim., 15 avril 2008, n°07-83.604) ;
  • gardienne d’une résidence pour personnes âgées ayant fait croire à l’une des résidentes qu’elle risquait d’être renvoyée de l’établissement en raison de son âge et de son incontinence et s’étant attribuée le pouvoir imaginaire d’empêcher le départ de la pensionnaire afin d’obtenir d’elle le tirage de chèques à son profit ou à celui de son entourage (Cass. civ., 2e 16 juin 2005, n°03-19.705) ;
  • salarié qui venait d’être avisé de son licenciement, s’est armé d’un pistolet qu’il conservait dans les locaux de l’entreprise et s’est rendu dans l’atelier où il travaillait, y a séquestré pendant une heure trois cadres techniques de la société avant de tuer d’une balle dans la tête son supérieur hiérarchique auquel il reprochait d’être à l’origine de son licenciement (Cass. crim., 25 mars 1998, n°96-85.593) ;
  • conseillère en patrimoine utilisant des informations confidentielles pour devancer des clients dans une acquisition immobilière (Cass. civ., 2e, 20 novembre 2014, n°13-24.257).

Le salarié est également responsable

Cette responsabilité de l’employeur n’exclut pas celle du salarié : en cas d’infraction pénale, ce dernier engage sa responsabilité civile à l’égard de la victime (et quand bien même l’infraction aurait été commise sur ordre de l’employeur : Cass. civ., 1ère, 1, 27 novembre 2019, n°18-21.191). Et, pour sa part, l’employeur peut agir à titre récursoire contre le salarié.