Salaire

Déjà remis au goût du jour grâce au « toilettage » complet du dispositif effectué par l’une des ordonnances Macron (n°2017-1387) du 22 septembre 2017, le télétravail a été mis en avant comme mesure de prévention dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Alors que les salariés ont pu apprécier cette nouvelle forme d’organisation de leur travail, des questions plus pratiques sont apparues au fil des semaines, dont celle du maintien des titres restaurants (TR).

1.- L’objet du TR

Le titre-restaurant est un « titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant » (C. trav., art. L. 3262-1).

Il a été institué pour permettre aux salariés des entreprises ne disposant pas sur leur lieu de travail d’un local de restauration (cantine, réfectoire, restaurant d’entreprise) de déjeuner à l’extérieur de leur entreprise à des conditions financières avantageuses, puisque leur employeur prend en charge, conjointement avec le salarié, le prix de ces repas et que cette prise en charge patronale est exonérée de charges sociales et fiscales.

2.- Quelle utilisation ?

L’utilisation des TR a évolué : d’abord utilisés auprès des personnes ou organismes exerçant la profession de restaurateur, d’hôtelier restaurateur ou une activité assimilée, depuis 2009 ils peuvent également l’être au profit de la « profession de détaillant en fruits et légumes » (C. trav. art. L. 3262-3 modifié par loi n°2009-879 du 21 juillet 2009).

C’est à ce titre que de nombreux magasins et grandes surfaces alimentaires acceptent le paiement de certains achats alimentaires au moyen d’un (voire deux) TR par jour (l’utilisation des TR est limitée à un montant maximum de 19 euros par jour : C. trav., art. R. 3262-10).

Remarque : les modalités d’utilisation du titre-restaurant ont été modifiées en dernier lieu par le décret n° 2020-706 du 10 juin 2020 afin d’encourager l’utilisation des TR dans les restaurants et hôtels-restaurants, et ainsi de répondre aux difficultés économiques de ces établissements résultant de leur fermeture durant l’état d’urgence sanitaire. Ce décret permet, entre le 11 juin et le 31 décembre 2020 –uniquement dans hôtels-restaurants ou des débits de boissons assimilés à ceux-ci – d’utiliser les TR les dimanches et jours fériés et augmente leur montant maximum d’utilisation à 38 euros par jour.

3.- Une situation potentiellement discriminatoire ?

L’employeur pourrait être tenté de considérer que le TR visant à défrayer le salarié d’une partie des frais supplémentaires occasionnés par le fait qu’il prend son repas à l’extérieur de son domicile, notamment dans un restaurant, dans une situation de télétravail réalisé au domicile, le TR n’a pas lieu d’être attribué puisqu’il peut déjeuner chez lui, sans frais supplémentaire.

Le risque est que l’exclusion des télétravailleurs du bénéfice des TR soit contraire au principe d’égalité de traitement

Le risque est alors que l’exclusion des télétravailleurs du bénéfice des TR soit contraire au principe d’égalité de traitement. En effet, aux termes de l’article 4 de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 sur le télétravail, « les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. »

Ce principe est repris par l’article 21 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 qui modifie l’article L. 1222-9 du code du travail et qui précise que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».

En outre, l’article R. 3262-7 du code du travail qui stipule qu’ « un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier », n’exige absolument pas que le repas soit pris à l’extérieur du domicile.

Exclure les télétravailleurs du bénéfice des TR alors même que les textes n’exigent pas que le repas soit pris en dehors du domicile pourrait dès lors être jugé contraire au principe d’égalité de traitement ? La seule exclusion possible pourrait correspondre à la situation du télétravailleur ne travaillant pas une journée complète ou plus exactement au moment du repas et ne remplissant pas, dans cette hypothèse, les conditions du bénéfice de titres-restaurants, telles que prévues à l’article R.3262-7 :« Un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier. »

4.- La position de l’URSSAF

Le 8 septembre 2015, l’URSSAF a publié sa position officielle qui est reprise sur le site www.service-public.fr.   Ainsi, plusieurs conditions sont posées pour que les télétravailleurs puissent prétendre au bénéfice de titres-restaurants :

  • Les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise doivent eux-mêmes en bénéficier,
  • Les conditions de travail des salariés travaillant depuis leur domicile et celles des salariés travaillant depuis les locaux de l’entreprise doivent être équivalentes.

Selon l’Acoss, le télétravailleur est un « salarié à part entière », en conséquence de quoi, il bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que ses collègues travaillant au sein de l’entreprise.

Si les salariés de l’entreprise bénéficient des TR, il en est donc de même pour les télétravailleurs « à domicile, nomades ou en bureau satellite », dès lors qu’ils remplissent les mêmes conditions que les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise : ils recevront un TR par jour travaillé dès lors que leur journée de travail recouvre, « 2 vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas ».

L’acoss a semble-t-il pris position sur la question et considère que, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, l’employeur doit considérer que les salariés placés en situation de télétravail doivent bénéficier des titres-restaurants au même titre que les salariés qui continuent à travailler dans les locaux de l’entreprise et qui en bénéficient.