Rupture

Anonymat et procédure disciplinaire

Lorsque les reproches faits à un salarié reposent sur des plaintes ou des témoignages émanant de collègues et/ou de clients ou partenaires, une question se pose : peut-on conserver l’anonymat des personnes témoignant dans le cadre de la procédure de licenciement ?

Cette question se pose en particulier dans les cas de licenciements de collaborateurs prononcés en raison de comportement inadapté (harcèlement) et/ou violent. L’employeur et les auteurs des témoignages peuvent légitimement redouter la réaction du salarié licencié s’il venait à connaître l’identité des personnes ayant témoigné.

Le salarié concerné peut, à l’inverse, avoir la volonté de connaître l’identité de ces personnes pour préparer au mieux sa défense à l’occasion de l’entretien préalable à son licenciement. Certaines juridictions du fond ont eu tendance à considérer que l’employeur devait communiquer les motifs qu’il envisage de retenir au salarié avant l’entretien afin qu’il puisse préparer sa défense (par exemple : CA Paris, 7 mai 2014, n° 12/02642).

Néanmoins, la Cour de cassation s’est opposée à cette interprétation : « l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié » (Cass. soc., 6 avril 2016, n°14-23198).

Ainsi, à ce stade, l’employeur n’a pas l’obligation de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction (Cass. soc., 18 février 2014, n°1217557). L’anonymat des plaintes et/ou témoignages de collègues du salarié concerné par la procédure peut donc être préservé sans difficulté particulière.

La question de l’anonymat face au juge

La question de l’anonymat des témoignages s’envisage différemment lors d’un éventuel procès prud’homal au cours duquel le droit à un procès équitable et à « l’égalité des armes » doit être respecté (Art. 6 § 1 et 3 de la convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales).

Dans cette situation, la jurisprudence de la Cour de cassation admet les témoignages anonymes. Toutefois, pour préserver les droits de la défense, elle impose aux juges du fond de ne pas fonder leur décision de façon exclusive et déterminante sur ces derniers (Cass. soc., 4 juillet 2018, n°17-18241).

L’employeur peut donc user de ces témoignages anonymes lors de la procédure à la condition de les accompagner d’autres éléments de faits et de preuve (par exemple : licenciement pour faute grave validé alors qu’avaient été produits un témoignage anonyme ainsi que des notes de frais, des déclarations signées, des messages et courriers signés, un rapport d’enquête, les déclarations d’un docteur, … : Cass. soc., 13 janvier 2016, n°14-21887).

En résumé, les témoignages anonymes recueillis par l’employeur :

  • Ne doivent pas être la seule et unique preuve du comportement fautif, mais des éléments parmi d’autres ;
  • Ne doivent pas être la preuve déterminante du comportement fautif : les autres éléments de preuve doivent être suffisamment probants.