Afin de procéder à une réduction du déficit public, le gouvernement a décidé de prendre des mesures d’ampleur dès 2025, qui vont directement impacter toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, secteur d’activité ou statut.
Ainsi le projet de loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2025 (article 6) prévoit, en l’état du texte présenté au Sénat, de limiter fortement les réductions de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs sur les bas salaires.
Pour rappel, 3 dispositifs d’allégements généraux coexistent à ce jour :
- La réduction générale des cotisations patronales (dite réduction Fillon), maximale au niveau du Smic, puis dégressive jusqu’à s’annuler au niveau de 1,6 Smic (CSS, art. L. 241-13, I, al. 1er)
- Le taux réduit de cotisations patronales d’allocations familiales (3,45% au lieu de 5,25%) pour les salariés rémunérés sur l’année jusqu’à 3,5 Smic en valeur au 31/12/2023 (CSS, art. L. 241-6-1).
- Le taux réduit de cotisations patronales d’assurance maladie (7% au lieu de 13%) pour les salariés rémunérés sur l’année jusqu’à 2,5 Smic en valeur au 31/12/2023 (CSS, art. L. 241-2-1).
Au jour de la rédaction du présent article, le système actuel d’allègements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires serait refondu en deux temps, pour aboutir en 2026 à un dispositif unique de réduction générale dégressive des cotisations patronales sur les salaires inférieurs à 3 Smic.
A compter du 1 janvier 2025
- La formule de calcul du coefficient de la réduction générale (réduction Fillon) devrait rester inchangée. La réduction serait toujours maximale au niveau du Smic puis dégressive au-delà pour devenir nulle au niveau d’une rémunération de 1,6 Smic. Le taux maximum de la réduction au niveau du SMIC devrait être réduit de 2 points, ce qui se traduirait donc au niveau du paramètre T
À titre d’exemple pour un salarié rémunéré au Smic (base novembre 2024) dans une entreprise avec un effectif inférieur à 50 salariés, l’employeur devrait perdre environ 300 € de réduction de charges sur l’année.
- La réduction du taux de cotisation patronale d’assurance maladie s’appliquerait aux rémunérations inférieures à 2,2 Smic contre 2,5 Smic actuellement (valeur 31.12.2023 sur l’année 2024).
A titre d’exemple pour un salarié qui perçoit 2,4 Smic (base Smic novembre 2024) dans une entreprise de moins de 50 salariés, l’augmentation de rémunération devrait représenter 3 114 €.
- La réduction du taux de cotisation patronale d’allocations familiales s’appliquerait aux rémunérations inférieures à 3,2 Smic contre 3,5 Smic actuellement (valeur 31.12.2023 sur l’année 2024)
A titre d’exemple pour un salarié qui perçoit 3,4 Smic (base Smic novembre 2024) dans une entreprise de moins de 50 salariés, l’augmentation de la cotisation pour l’entreprise devrait représenter 1 324€.
- Par ailleurs le texte prévoit que des primes de partage de la valeur versées à partir du 10 octobre 2024 (date de dépôt du projet de loi) seraient prises en compte dans la rémunération utilisée pour calculer le coefficient de la réduction générale.
Cette prise en compte est loin d’être neutre puisqu’elle peut faire passer la rémunération du salarié au-delà du plafond d’éligibilité à la réduction générale de cotisations patronales (1,6 Smic) ou abaisser le coefficient de la réduction du fait de la prise en compte de la PPV, même si la rémunération reste en dessous du seuil d’éligibilité.
Sachant qu’en moyenne, en 2023, dans le secteur privé, le montant moyen des primes PPV a été fixée à 885€ : pour un salarié rémunéré au Smic, dans une petite entreprise, pour l’année 2024, l’employeur verrait sa réduction générale de cotisations diminuée de 470 € en 2024 !
- Dans les autres mesures annoncées, les déductions forfaitaires spécifiques pour frais professionnels (DFS) ne seraient plus prises en compte pour le calcul du coefficient de la réduction générale, et ce rétroactivement au 1 janvier 2024.
La prise en compte de la PPV et l’exclusion des DFS s’appliqueraient aussi pour la comparaison de la rémunération du salarié au plafond d’éligibilité des réductions de taux sur les cotisations patronales maladie et allocations familiales.
- Enfin, le relèvement du Smic du 1er novembre 2024 ne serait pas pris en compte pour la réduction générale de cotisations patronales 2024.
Au 1er janvier 2026
À partir de 2026, un dispositif unique de réduction générale dégressive serait mis en place et remplacerait les trois allégements généraux actuels. Même si les modalités de calcul restent à préciser par décret :
- le taux maximal d’exonération de la réduction générale entre 1 et 1,3 Smic serait encore réduit de deux points;
- les réductions de charges famille et maladie seraient supprimées ;
- la réduction générale s’appliquerait aux rémunérations inférieures à un montant fixé par décret (en principe 3 Smic)
Les présidents de la CPME, du MEDEF, de l’U2P, de la FNSEA et de l’UDES ont décriés ce texte indiquant qu’il représente une charge supplémentaire de plus de 5 milliards d’euros (4 milliards selon le gouvernement) pour les entreprises, générant un risque de destruction d’emplois, surtout pour les secteurs à faible rentabilité et une affectation de la compétitivité des entreprise Françaises (avec un risque de délocalisations dans certains secteurs). Vont-ils être entendus ?
Quel parcours pour le PLFSS dans les jours à venir ?
L’Assemblée nationale n’a pas été en mesure d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 dans le délai constitutionnel imparti. Le gouvernement a transmis « sa » version initiale du texte au Sénat concernant les allégements de charges sociales, alors que l’Assemblée nationale avait supprimer ce dispositif .
Suite à l’examen du texte par le Sénat (en principe fin novembre), une commission mixte paritaire (CMP) se réunira, au sein de laquelle députés et sénateurs tenteront d’élaborer un texte commun. En tout état de cause, le projet de texte devra à nouveau être examiné par le Sénat et l’Assemblée Nationale.
Le gouvernement aura toujours la possibilité d’actionner à l’Assemblée nationale l’article 49, al. 3 de la Constitution et d’engager sa responsabilité.
Il convient enfin de rappeler que l’article 47-1, al. 3 de la Constitution dispose que si le Parlement ne s’est pas prononcé sur le PLFSS dans le délai de 50 jours, alors le gouvernement peut mettre en œuvre par ordonnance les dispositions du projet de loi.
Dimanche 17 novembre dernier, le Ministre du Budget a annoncé que le gouvernement était prêt à diminuer de moitié l’effort sur les charges patronales demandé aux entreprises. Mais il ne s’agit, à date, que d’une annonce…
Cette semaine, la commission des Affaires Sociales du Sénat a proposé des amendements , il faut donc attendre le vote final du texte.
En tout état de cause, d’ores et déjà, les entreprises doivent être vigilantes si elles entendent verser une PPV en fin d’année, car ce versement pourrait entrainer une baisse du montant de la réduction générale de cotisations, voir une suppression.
Au regard de l’impact de ces dispositions pour les entreprises, il convient donc d’être particulièrement attentifs à l’évolution du texte dans les prochaines semaines.
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