Contrat de travail

Lorsqu’on est en désaccord avec un avis émis par le médecin du travail, saisir le CPH relève à la fois de l’exercice d’un droit et du saut dans l’inconnu.

Plus décisions récentes de la Cour de cassation permettent d’y voir (un peu) plus clair.

Question 2 : comment contester ?

La procédure spéciale a été conçue comme devant permettre une réponse rapide à la contestation.

Une procédure accélérée

Le CPH est saisi en procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e au fond, ce qui entraĂ®ne :

  • l’absence de prĂ©alable de conciliation (renvoi direct en audience de jugement) ;
  • une composition allĂ©gĂ©e de la formation de jugement, comme en matière de rĂ©fĂ©rĂ© (C. trav., art. R 1455-12) ;
  • un dĂ©lai d’appel raccourci Ă  15 jours (C. trav., art. R 1455-12 ; CPC, art. 481-1) ;
  • un impĂ©ratif de rapiditĂ© dans la prise de dĂ©cision, qui se heurte dans les faits au respect du principe de contradictoire et, parfois, aux contraintes inhĂ©rentes Ă  l’appel Ă  des compĂ©tences mĂ©dicales techniques.

Un dĂ©lai court !

Le délai de contestation est de 15 jours à compter de la notification de l’avis (C. trav., art. R 4624-45), alors qu’il était de 2 mois avant 2017. Compte tenu de la brièveté du délai de recours, la question du point du départ du délai revêt une importance cruciale. Les dispositions du Code du travail prévoient que les délais et modalités de recours doivent être mentionnés sur les avis du médecin du travail (C. trav., art. R 4624-45).

Si le recours est introduit plus de 15 jours après l’avis, se poseront nécessairement les questions de la date à laquelle l’auteur du recours aura reçu l’avis, et/ou de la conformité des mentions figurant dans l’avis concernant les délais et modalités de recours.

Sur ces questions, la Cour de cassation a admis :

  • que la date de rĂ©ception de l’avis ne peut pas faire l’objet d’une prĂ©somption (Cass. soc. 16 juin 2021, n° 20-14552) : si le Juge retient que le recours a Ă©tĂ© introduit après l’échĂ©ance du dĂ©lai de 15 jours, il doit prĂ©alablement constater que la date de rĂ©ception de l’avis est formellement Ă©tablie ;
  • que le dĂ©lai de 15 jours court bien Ă  compter de la rĂ©ception de l’avis, et non pas des Ă©lĂ©ments d’ordre mĂ©dical justifiant l’avis (Cass. soc. 2 juin 2021, n° 19-24.061).

Cette dernière solution s’explique par le fait que le mĂ©decin du travail, tenu au secret mĂ©dical, ne prĂ©cise jamais les Ă©lĂ©ments d’ordre mĂ©dical qui expliquent son avis (nature des pathologies du salariĂ©, handicaps…).

L’employeur peut-il espĂ©rer recevoir ces Ă©lĂ©ments mĂ©dicaux dans le cadre du recours formĂ© contre l’avis ?  Certes, une fois le juge saisi, les parties sont informĂ©es de la date d’audience et doivent, dans le respect du contradictoire, Ă©changer leurs pièces et leurs arguments.

Un dĂ©bat contradictoire ?

Cependant, concernant les éléments de nature proprement médicales (compte-rendu d’examens médicaux notamment), une inégalité fondamentale existe entre l’employeur et le salarié, là encore inhérente au principe du secret médical :

  • alors que le salariĂ© a accès Ă  tout moment au dossier tenu par le mĂ©decin du travail le concernant (C. trav., art. L 4624-8),
  • l’employeur, lui, ne peut que demander que ce dossier soit transmis Ă  un mĂ©decin qu’il aura mandatĂ©, dans le cadre du recours formĂ© devant le CPH (C. trav., art. L 4624-7).

Et encore : suivant une position du Ministre du travail (instruction DGT n° 2019/02 du 10 janvier 2019), cette transmission suppose que le CPH sollicite une consultation du mĂ©decin-inspecteur du travail , puisque c’est ce dernier qui recevra le dossier pour le transmettre au mĂ©decin mandatĂ©, lequel ne pourra qu’émettre auprès de l’employeur qu’un avis sous la forme d’une note vierge de toute information mĂ©dicale…

Ainsi, lorsque le débat est de nature médico-technique, l’égalité des armes n’est aucunement garantie.

Si l’on ajoute à cela que les conseillers prud’hommes et les médecins-inspecteurs sont peu enclins voire très réticents à ce que de telles questions médicales soient débattues, pour l’employeur le saut dans l’inconnu ressemble vite à un échec annoncé.

Mais cette conception du recours est sans doute trop restrictive.  Pour que la contestation ait une portĂ©e et une utilitĂ© rĂ©elle, il ne faut sans doute pas la limiter Ă  un dĂ©bat strictement mĂ©dical.

A suivre …