IRP

Il n’est pas rare que des réformes importantes concernant le droit du travail voient le jour pendant la période estivale. Cette année, durant l’été, l’attention s’est concentrée sur le passe sanitaire et l’obligation vaccinale appliqués aux relations de travail. La loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a retenu l’essentiel du traitement médiatique.

La question de l’éventuel licenciement et celle de la suspension du contrat de travail d’un salarié ne pouvant pas justifier de son statut vaccinal ou de son passe sanitaire ont capté toute la lumière.

Pourtant, les travaux parlementaires ne se sont pas limités à un énième épisode du traitement de la crise épidémique. En droit du travail, une réforme bien plus structurante, dont les effets seront sans conteste bien plus durables, a aussi été adoptée durant l’été.

On trouve, glissées dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, des dispositions importantes confiant de nouvelles compétences et prérogatives aux représentants du personnel en matière environnementale.

Nouvelle obligation

L’employeur doit désormais – dans les entreprises d’au moins 50 salariés – fournir au comité social et économique (CSE) des informations sur les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise. La base de données économiques et sociales (BDES) devra être complétée de données propres à documenter cette nouvelle zone de compétences du CSE (un décret est attendu pour donner davantage de précisions sur ce contenu).

La dimension environnementale de la compétence du CSE devra être prise en compte dans le cadre des trois blocs de consultation périodique fixés à l’article L. 2312-17 du Code du travail : orientations stratégiques ; situation économique et financière ; politique sociale, conditions de travail et emploi.

Au-delà, pour chaque situation et chaque projet justifiant la consultation ponctuelle du CSE conformément aux dispositions de l’article L. 2312-8 du Code du travail, l’employeur devra justifier avoir pris en compte les conséquences environnementales des mesures envisagées.

Le champ d’application de ces nouvelles règles est donc très large : l’avis du CSE est désormais requis sur cette dimension pour chaque projet présenté par l’employeur supposant une consultation du CSE (C. trav., art. L. 2312-18). L’employeur doit prendre en compte sans délai cette extension du périmètre d’intervention du CSE, la loi étant d’application immédiate.

Un rôle de vérification

Il est important de rappeler que le CSE ne dispose pas d’un droit de veto lui permettant de s’opposer à un projet qui lui serait présenté. La seule opposition que le CSE peut marquer au projet est de formuler un avis négatif.

L’employeur peut alors passer outre la position de ses représentants du personnel. Il lui appartiendra alors de mesurer la portée de l’hostilité manifestée par les représentants du personnel, notamment pour évaluer si elle est de nature à porter atteinte à la réussite de son projet, avant d’engager sa mise en œuvre.

Le rôle confié au CSE par la loi du 22 août 2021 n’est pas d’évaluer ou de contrôler si l’employeur a envisagé son projet en limitant au maximum l’impact environnemental. Le CSE n’a pas pour mission de s’immiscer dans l’opportunité des choix de gestion de l’employeur, y compris dans ses incidences en matière environnementale. Le rôle du CSE est uniquement de vérifier si l’employeur a effectivement évalué l’impact environnemental du projet présenté.

Cette précision est essentielle car elle rappelle que la seule obligation qui pèse sur l’employeur est de prendre en considération, dans l’évaluation de ses choix de gestion, dans ses décisions stratégiques, l’impact environnemental des mesures qu’il s’apprête à adopter. Il ne s’agit nullement, en l’état actuel du droit positif, d’imposer à l’employeur d’orienter ses décisions en fonction de leur impact environnemental.

Partie prenante

Il faut relever que, par la loi du 22 août 2021, le législateur ne fait que creuser le sillon qu’il a tracé avec l’adoption de la Pacte. En modifiant la rédaction de l’article 1833 du Code civil, le législateur a confié aux dirigeants de sociétés la responsabilité de gérer leur activité dans le respect de son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux.

La loi du 22 août 2021 donne aux représentants du personnel la mission de vérifier que l’employeur s’acquitte effectivement de cette exigence. Les nouvelles prérogatives du CSE doivent donc s’inscrire strictement dans cette perspective. Le législateur ouvre au CSE, en tant que «partie prenante», la responsabilité de vérifier que le chef d’entreprise a pris en considération dans ses réflexions l’impact environnemental des mesures qu’il entend adopter ; pas plus, pas moins.

Risque de tensions

Toute mesure visant à mieux préserver la planète et nos ressources ne peut qu’être saluée. En revanche, dès lors qu’elle se traduit par des obligations contraignantes, telle une obligation de consultation des représentants du personnel, il est essentiel que les contours soient cadrés.

Il faut regretter que le législateur n’ait pas pris le soin de fixer les indicateurs de référence sur lesquels la mission du CSE devra porter. Cette imprécision pourrait devenir source de tensions entre l’employeur et les partenaires sociaux, portant en particulier sur le calibrage des informations à transmettre. Depuis plusieurs années, le législateur s’emploie à limiter les dérives judiciaires et éviter toute instrumentalisation des procédures de consultation. L’adoption du décret portant modification du contenu de la BDES pourrait sans doute être l’occasion de résoudre cette difficulté.

Article initialement publié sur lesechos.fr le 29 septembre 2021