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Quelle est la masse salariale de référence à prendre en compte pour le calcul des budgets du CSE ? Réponse (2/2) par Arnaud Teissier, Avocat associé

Budget de fonctionnement

1. Formule de calcul

Le Comité dispose d’un budget de fonctionnement annuel, dont le montant correspond à un pourcentage de la masse salariale, désormais différent selon les effectifs de l’entreprise [jusqu’à présent, il était fixé uniformément à 0,2 %]:

  • 0,20 % dans les entreprises de 50 à 2000 salariés,
  • 0,22 % dans les entreprises de plus de 2000 salariés.

Le projet d’ordonnance donne une définition de la masse salariale de référence (Cf billet assiette de calcul des budgets du Comité) ; dont il convient de relever qu’elle est identique à celle retenue pour le calcul de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles (ASC) :

« la masse salariale brute est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Mettant un terme à un contentieux abondant et source d’insécurités, le projet d’ordonnance confirme que le compte 641 ne peut plus être retenu comme base de référence légale pour le calcul des budgets du Comité.

2. Déductions

Les sommes ou moyens en personnel dont l’employeur fait déjà bénéficier le Comité peuvent être déduits de la somme due par application de la formule légale (article L. 2315-57, al. 2).

Sur ce point, le projet d’ordonnance reprend, dans les grandes lignes, une jurisprudence établie. On peut toutefois relever que, à la différence de cette jurisprudence, l’ordonnance ne précise pas que les déductions concernent les sommes ou moyens en personnel dont il est établi qu’ils sont alloués pour les seuls besoins de fonctionnement du Comité.

Jusqu’à présent, la jurisprudence exigeait, pour que la déduction soit possible, que l’employeur démontre que les dépenses n’avaient pas de lien avec la gestion des ASC et ne concernaient donc que le fonctionnement du Comité.

En pratique, lorsque se pose la question de la déduction des coûts associés à la mise à disposition de personnel par l’employeur auprès du Comité, il est effectivement souvent difficile d’établir la part exacte de l’activité se rapportant au fonctionnement ou à la gestion des ASC.

La nouvelle rédaction des dispositions relatives au budget de fonctionnement semble répondre à cette difficulté.

Dans la mesure où le projet d’ordonnance remet en cause le principe d’« étanchéité » existant entre les deux budgets du Comité d’entreprise (fonctionnement et ASC ; voir ci-après §3), la rédaction du projet d’ordonnance permet de considérer que les déductions pourront concerner des dépenses en lien avec la gestion des ASC.

Contribution patronale au financement des activités sociales et culturelles (ASC)

Le Comité se voir verser chaque année une contribution patronale au financement des activités sociales et culturelles (ASC).

L’ordonnance propose plusieurs évolutions importantes apportées au dispositif en vigueur :

  • Il est prévu que, par principe, la contribution est fixée par accord d’entreprise. A défaut d’accord, la contribution ne peut pas être inférieure à ce qu’on dénomme usuellement le « minimum de blocage » (total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des ASC par le Comité).

Il est par ailleurs indiqué que la contribution ne pourra pas être inférieure au taux résultant du rapport entre (i) le niveau de dépenses sociales le plus élevé atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des ASC par le Comité et (ii) la masse salariale de cette même année. La formulation est incertaine  car elle ne permet pas – sans ambiguïté – de savoir s’il convient de rattacher cette règle au seul cas où un accord n’a pu être conclu, ou si au contraire cette règle s’impose même en cas d’accord. L’esprit du texte justifie de considérer que désormais la règle de proportion ne vaut qu’en l’absence d’accord.

En effet, jusqu’à présent, la contribution patronale était strictement définie par application de règles légales. Un accord pouvait dès lors être conclu, mais il devait nécessairement être plus favorable que les règles légales (d’ordre public).

En affirmant que – par principe – la contribution est fixée par accord d’entreprise, c’est précisément pour confirmer la liberté désormais offerte aux parties à l’accord pour déterminer les modalités de calcul de la contribution patronale aux ASC.

Des règles subsidiaires s’appliquent alors seulement à défaut d’accord, afin d’éviter que les salariés ne soient privés d’ASC.

Ainsi, en synthèse:

(1) Lorsqu’aucun accord ne fixe la formule, la règle de calcul de la contribution est identique à celle qui existait jusqu’alors : un taux minimum légal et un minimum de blocage.

(2) En revanche, et c’est la nouveauté, la conclusion d’un accord d’entreprise permet de définir des modalités de calcul sans contrainte particulière (plus de taux minimum légal, ni de minimum de blocage).

Cette évolution devrait conduire à une modification des dispositions de l’article R. 2323-34 du Code du travail qui, en l’état, constitue  un frein à cette nouvelle approche.

  • L’ordonnance donne une définition de la masse salariale de référence (Cf billet assiette de calcul des budgets du Comité) ; dont il convient de relever qu’elle est identique à celle retenue pour le calcul du budget de fonctionnement :

« la masse salariale brute est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de sécurité sociale en application des dispositions de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. »

Mettant un terme à un contentieux abondant et source d’insécurités, le projet d’ordonnance confirme que le compte 641 ne peut plus être retenu comme base de référence légale pour le calcul des budgets du Comité.

La fin de l’« étanchéité » des budgets du Comité social et économique

Jusqu’à présent, était appliqué un principe d’« étanchéité » très strict entre les deux budgets du Comité (budget de fonctionnement et contribution aux ASC). Il était donc interdit de financer des dépenses de fonctionnement avec un reliquat de la contribution aux ASC, et réciproquement.

Le projet d’ordonnance remet en cause ce principe et consacre expressément la possibilité :

  • de transférer tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget des ASC au budget de fonctionnement ;
  • ou, à l’inverse, de transférer tout ou partie du montant de l’excédent annuel du budget de fonctionnement au budget des ASC.

Un tel mouvement de trésorerie suppose :

  1. le constat d’un reliquat (c’est-à-dire d’un budget annuel non totalement dépensé ; il ne peut donc s’envisager qu’une fois l’exercice clos) ;
  2. ainsi qu’une délibération préalable des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Ce nouveau dispositif permet d’offrir une réponse à une situation qui en était jusqu’alors dépourvue.

En effet, dans de nombreuses hypothèses, le Comité d’entreprise ne parvenant pas à épuiser son budget de fonctionnement, année après année, finissait par s’amasser une cagnotte qu’aucune règle légale ne permettait d’utiliser d’une manière ou d’une autre.

La solution proposée par le projet d’ordonnance est, à cet égard, louable.

Toutefois, une lecture plus appuyée du projet d’ordonnance, conduit à exprimer quelques réserves à l’égard de ce nouveau dispositif tel qu’il est envisagé.

Il est effectivement prévu par le projet d’ordonnance de nouvelles règles de financement des expertises auxquelles le Comité peut faire appel. Il faut en effet désormais distinguer entre [Cf billet CSE : quel droit à l’expertise ? ]:

  • les expertises dont le financement est à la charge exclusive de l’employeur ;
  • les expertises dont le financement est partagé entre l’entreprise (80 %) et le Comité (20 %) ;
  • les autres expertises qui sont à la charge exclusive du Comité.

Par application de ces nouvelles dispositions, le Comité va être appelé à participer au financement (partiel) d’expertises qui étaient jusqu’alors exclusivement prises en charge par l’employeur.

Au regard de cette évolution des modalités de financement des expertises, il n’apparaît pas opportun d’abandonner le principe de l’étanchéité des budgets, tout au moins de ne pas ouvrir le possible transfert d’un reliquat du budget des ASC vers le budget de fonctionnement.

Il faut en effet éviter la tentation pour les membres du Comité de trouver des ressources budgétaires pour financer une expertise par un transfert de trésorerie depuis le compte des ASC ; au détriment des prestations servies aux salariés au titre des ASC.

La question de l’insuffisance éventuelle du niveau de ressources du Comité pour financer des expertises (utiles à sa compréhension des projets présentés par l’employeur) doit se résoudre autrement que par un possible ponctionnement dans le budget des ASC.