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A propos de Cass. soc., 16 janvier 2019, n°17-26993

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée du revirement jurisprudentiel amorcé en février 2018, confirmant que les budgets du CE ont pour assiette de calcul une masse salariale déterminée par référence à la DADS et non au compte 641.

Mais, au-delà, cet arrêt fait l’objet d’une publicité particulière par la Cour de cassation parce qu’il prend position sur un autre point inédit : l’étendue de la dévolution des biens du Comité d’entreprise.

Le contexte est le suivant :

  • absorption de deux Sociétés par une troisième au 1er juillet, avec effet rétroactif comptable et fiscal au 1er janvier ;
  • les deux sociétés absorbées avaient alors été dissoutes, l’universalité de leurs patrimoines étant transmis à l’absorbante ;
  • chacune des deux Sociétés absorbées disposait d’un Comité d’entreprise pourvu d’un budget propre ; les deux Comités d’entreprise avaient eux-mêmes disparus par l’effet de la fusion. leurs biens avaient été dévolus au Comité d’entreprise de la Société absorbante ; avant leur disparition, les CE des Sociétés absorbées n’avaient pas intenté d’action relative au calcul des budgets.

Le Comité d’entreprise de la Société absorbante, à la suite de la fusion, intente une action en son nom mais également, pour le passé, aux noms et pour le compte des deux Comités d’entreprise absorbés (qui avaient donc disparus au jour de la fusion).  

Par son arrêt du 16 janvier 2019, la Cour de cassation décide, de façon surprenante à notre sens, que la dévolution des biens par le Comité d’entreprise de la société absorbée à celui de la Société absorbante, emporte transmission des actions judiciaires tendant au paiement de rappel de subventions. Il importe alors peu que ladite action n’ait pas été engagée avant la disparition du comité d’entreprise la société absorbée (qui disparait par l’effet de la fusion)…

Pour parvenir à une telle solution, la Cour de cassation tord les textes, en particulier l’article 1844-4 du Code civil dans sa version en vigueur à l’époque, en appliquant au Comité d’entreprise de la Société absorbée le raisonnement juridique applicable à cette même Société, à savoir  la transmission universelle de son patrimoine au profit de l’absorbante.  

Cette position est critiquable dans la mesure où la Cour de cassation :

  • ne tient pas compte du fait que le Comité d’entreprise est une personnalité juridique distincte de la Société absorbée et relevant d’un régime juridique qui lui est propre ;
  • écarte les règles issues du Code du travail relatives à la dévolution des biens du Comité d’entreprise ;
  • juge que toutes les créances – actuelles, éventuelles ou conditionnelles – sont transmises au CE de l’absorbante. 

Une telle solution est source d’insécurité juridique pour la Société absorbante : elle porte le risque d’être condamnée pour le passé au titre d’une gestion des budgets dont elle ignore tout… 

Une telle solution est source d’insécurité juridique pour la Société absorbante dans la mesure où elle porte le risque d’être condamnée pour le passé au titre d’une gestion des budgets dont elle ignore tout et dont elle n’était pas responsable.

Ce point est à notre sens à intégrer dans le cadre des audits réalisés en cas de fusion / absorption.

Pour conclure, de façon plus anecdotique, la Cour de cassation confirme son récent revirement de jurisprudence en confirmant que la rémunération des salariés mis à dispositions n’a pas à être prise en compte au titre de l’assiette de calcul des budgets du CE de l’entreprise d’accueil desdits salariés. Il est intéressant de relever que cette affaire concerne précisément la même société que celle qui avait été condamnée par la Cour de cassation, par un arrêt du 7 novembre 2007, à prendre en compte la rémunération des salariés mis à disposition…

La boucle est bouclée… Il aura toutefois fallu attendre 12 ans pour que la Cour de cassation fasse son aller-retour…