Rupture

Pendant de nombreuses années, la Cour de cassation a eu tendance à considérer que le vol par un salarié dans l’entreprise constituait assurément une faute grave. La décision emblématique de cette ancienne jurisprudence concerne un employé d’un supermarché ayant été licencié pour faute grave pour avoir empoché une paire de lacets et être passé à la caisse sans en payer le prix (Cass. Soc., 20 février 1986, n° 82-43609). Cette position rigoureuse de la Cour de cassation pouvait se justifier par le fait que l’acte avait été commis par un membre du personnel, envers lequel l’employeur est pourtant censé accorder sa confiance, et qu’il n’est pas aisé de mettre à jour ce type d’agissements.

La Cour de cassation a progressivement évolué dans le courant des années 2000. Désormais, il n’est plus possible de considérer que le vol par un salarié dans l’entreprise constitue systématiquement une faute grave, voire même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Désormais, il n’est plus possible de considérer que le vol par un salarié dans l’entreprise constitue systématiquement une faute grave, voire même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Tout dépend, en réalité, des circonstances entourant le vol. Il convient dès lors d’être particulièrement vigilant en la matière et d’effectuer une analyse minutieuse des faits avant d’engager une éventuelle procédure de licenciement.

Les éléments à prendre en compte sont, notamment :

  • la nature et la valeur de l’objet dérobé,
  • l’ancienneté du salarié,
  • le passif disciplinaire du salarié,
  • l’attitude du salarié lors de la demande de contrôle,
  • la qualification du salarié,
  • le préjudice subi par l’employeur en terme financier, d’image, etc.

Les juges du fond se livrent eux-mêmes à une appréciation très concrète des éléments fournis par les parties pour déterminer – et atténuer le cas échéant – la gravité de la faute invoquée.

A titre d’exemple, il a été jugé que les vols imputés à un vendeur qualifié d’un grand magasin ne caractérisaient même pas une cause réelle et sérieuse de licenciement dans la mesure où ils étaient de faible importance et que ce salarié justifiait d’une grande ancienneté (Cass. soc., 21 février 2006, n° 03-40293).

De même, selon la Cour de cassation, la soustraction de marchandises de faible valeur, par un conducteur de machines de conditionnement ayant plus de 26 ans d’ancienneté, n’est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise (Cass. soc., 31 octobre 2013, n° 12-18993). En l’espèce, le salarié avait pourtant également menti en indiquant faussement à ses interlocuteurs que le casier dans lequel il avait caché les marchandises volées n’était pas le sien.

Le licenciement pour vol n’est cependant pas impossible ; la faute grave a ainsi été considérée comment étant caractérisée pour le cas d’une salariée ayant détourné 200 € de la caisse du magasin même si elle justifiait d’une ancienneté d’une vingtaine d’années et que l’acte qui lui était reproché était isolé.

Il convient enfin de préciser que toutes ces considérations n’ont quasiment plus lieu d’être lorsque le vol n’a pas été commis au préjudice de l’employeur mais au préjudice d’un client ou d’un fournisseur de l’employeur.

Dans cette seconde hypothèse, en effet, la Cour de cassation est inflexible et juge de manière constante que les faits de vol caractérisent une faute grave, alors même que l’objet soustrait est de faible valeur et que le salarié auquel le manquement isolé est reproché a une ancienneté importante et n’a fait l’objet d’aucun reproche antérieur (Cass. soc., 16 janvier 2007, n° 04-47051 ; Cass. soc., 28 mars 2012, n° 11-11981 ; Cass. Soc., 19 février 2014, n° 13-14247).