Statut collectif

Chaque année, la Direction générale du travail (DGT) dresse un bilan de la négociation collective pour l’année écoulée. Celui de 2018 vient d’être publié. On y apprend, par exemple, que 46.700 accords ont été conclus au cours de la dernière année ; soit une augmentation significative comparée à 2017 (38.000 accords seulement). Le rapport regorge de données chiffrées, scrutant dans le détail la pratique de la négociation collective dans notre pays.

Au-delà des éléments purement statistiques, que nous apprennent toutes ces données rassemblées ? Quelles tendances traduisent ces données compilées par la DGT ?

1er enseignement : la négociation collective se porte bien. Sur la base du nombre d’accords conclus, 2018 marque un accroissement important par rapport à l’année précédente.

De façon constante depuis plusieurs années, le législateur organise et assure la promotion d’un modèle où la création de la norme sociale est de plus en plus transférée entre les mains des partenaires sociaux. Partant du constat (et du reproche souvent formulé) que la loi est trop générale et pas assez agile pour permettre à chaque entreprise de disposer d’outils adaptés à sa taille, son activité et sa zone d’exercice, de nombreuses initiatives ont été prises par le législateur pour que la négociation collective puisse devenir une alternative efficace (réforme de la négociation dérogatoire, adoption d’accords types pour les TPE au niveau des branches professionnelles, …).

L’augmentation du nombre d’accords conclus semble confirmer que la voie est tracée.

2ème enseignement : la négociation de branche n’a pas disparu, bien au contraire. Les opposants à la loi Travail (2016) avaient largement mis en avant le déclin annoncé des branches professionnelles, par l’effet du renversement de la sacro-sainte « hiérarchie des normes ». Le principe de la primauté de l’accord d’entreprise sur les dispositions arrêtées au niveau de la branche allait, à les entendre, signer l’arrêt de mort de la négociation de branche.

La négociation de branche connaît un véritable regain de vitalité : + 10 % d’accord de branche conclus en 2018.

Les chiffres présentés par la DGT confirment le contraire. La négociation de branche connaît un véritable regain de vitalité : + 10 % d’accord de branche conclus en 2018. Il s’agit de la démonstration claire de la maturité des partenaires sociaux au niveau des branches professionnelles ; de leur capacité à s’adapter aux réformes législatives qui transforment leur rôle en profondeur. Il n’y a pas de raison que le mouvement ne se poursuive pas, voire même s’amplifie au cours des prochaines années (Cf point ci-après). La branche a clairement un rôle moteur dans le développement futur de la négociation collective en France.

3ème enseignement : l’épargne salariale et, plus généralement, les salaires et primes continuent à occuper (loin devant) la 1ère place des sujets ayant donné lieu à la conclusion d’un accord collectif en 2018.

Il s’agit d’une tendance qui se confirme, année après année. Ces sujets sont, souvent, moins polémiques, donc de nature à favoriser l’émergence d’un consensus. La conclusion d’un accord revêt aussi, dans certains cas, une dimension politique. La voie de l’accord collectif peut être privilégiée par les organisations syndicales pour confirmer leur participation concrète à l’édification des dispositifs de partage de la valeur au bénéfice des salariés.

4ème enseignement : Les partenaires sociaux se sont rapidement approprié les nouveaux dispositifs mis en place par le législateur, dans le cadre des ordonnances Macron.

Les partenaires sociaux se sont rapidement approprié les nouveaux dispositifs mis en place par le législateur dans le cadre des ordonnances Macron.

Soucieux de proposer aux entreprises de nouveaux outils pour accompagner leur transformation, le législateur a en particulier consacré, fin 2017, les dispositifs de performance collective et de rupture conventionnelle collective. Ceux-ci figurent désormais dans la palette des outils à disposition des entreprises pour se réorganiser, à côté des dispositifs « classiques » existants déjà, et notamment le PSE. Il faut relever que, au titre de 2018, ont déjà été conclus 124 accords de performance collective et 96 accords portant ruptures conventionnelles collectives.

La conclusion d’accord collectifs sur ces sujets confirme un degré de maturité de la négociation collective dans ces environnements et la capacité des acteurs à comprendre les enjeux auxquels leur entreprise doit faire face.

L’année 2019 est déjà bien entamée. Il y a fort à parier qu’à la fin de cette année le bilan de la négociation collective en France fera apparaître les deux grandes tendances suivantes :

  • cette année sera celle durant laquelle le plus grand nombre d’entreprise va organiser son passage au CSE, sa mise en place (et la disparition programmée des anciennes instances) étant impérative avant la fin de l’année.
  • les regroupements de branche professionnelle doivent/vont s’accélérer. Mécaniquement, cela va se traduire par une dynamique de négociation sur ces périmètres (accords de fusion, accords de convergence, …).