Contrat de travail

L’employeur, dans le cadre de son obligation de préserver l’emploi de ses salariés l’obligeant à veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi pendant toute la durée de la relation de travail, peut être amené à contester une attestation de suivi et l’aptitude totale du salarié s’il estime que l’état de santé de ce dernier est incompatible avec le poste qu’il occupe.

Quels documents le médecin du travail délivre-t-il ?

Depuis le 1er novembre 2017, l’avis d’aptitude du médecin du travail ne peut être délivré qu’à l’égard des salariés exposés à certains risques et bénéficiant d’un suivi médical renforcé.

Pour les autres salariés, le médecin du travail ne peut que délivrer un avis d’inaptitude ou une attestation de suivi, éventuellement accompagnée de propositions de mesures individuelles d’aménagement du poste de travail.

En vertu des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du Code du travail, le salarié ou l’employeur peuvent saisir le Conseil de prud’hommes, selon la procédure accélérée au fond, d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale. Le juge doit alors être saisi dans un délai de 15 jours à compter de leur notification (voir « Contester un avis du médecin du travail devant le CPH en 3 questions  : 1/3 ; 2/3 ; 3/3)

Quels documents l’employeur peut-il contester ?

Cependant, et sous réserve de reposer sur des éléments de nature médicale, seuls les avis d’aptitude réservés aux salariés exposés à des risques particuliers (C. trav., art. L. 4624-2), les propositions de mesures individuelles d’aménagement du poste de travail (C. trav., art. L. 4624-3), et les avis d’inaptitude et conclusions et indications relatives au reclassement des salariés (C. trav., art. L. 4624-4) sont visés comme étant susceptibles d’être contestés.

De sorte que les attestations de suivi (C. trav., art. L. 4624-1) ne bénéficient pas de la même nature juridique que les décisions susvisées, et ne sont pas visées par l’article L. 4624-7 comme pouvant donner lieu à contestation.

Pourtant, ces attestations de suivi sont également délivrées au salarié à l’issue d’une visite médicale et notamment de reprise, lorsque le salarié n’est pas déclaré inapte.

Or en pratique, la remise de cette attestation équivaut à un « avis d’aptitude implicite » dans le sens où, en l’absence d’avis d’inaptitude, le salarié doit retrouver son poste antérieur. Mais cette attestation ne peut pas faire l’objet d’un recours devant le Conseil de prud’hommes, contrairement aux autres décisions du médecin du travail.

Ceci ressort expressément du contenu du modèle d’attestation de suivi, fixé par l’arrêté du 16 octobre 2017 : il ne comporte pas de clause sur les voies de recours, alors que le Code du travail (art. R. 4624-45) prévoit expressément que les modalités et délais de recours sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail.

Subsistent tout de même deux points de vigilance face à l’attestation de suivi :

  • Dans l’hypothèse où l’attestation de suivi est accompagnée d’un document faisant état de propositions de mesures individuelles, ce document peut, lui, faire l’objet d’un recours puisque visé par les dispositions légales (C. trav., art. L. 4624-7).
  • Par ailleurs, dans un litige où deux attestations de suivi espacées de quelques semaines ont été rendues par le médecin du travail, et où la première attestation était accompagnée de mesures d’aménagement des conditions de travail dans l’attente d’examens complémentaires, alors que la deuxième n’en comportait pas, les juges ont estimé que l’absence de mesures d’aménagement des conditions de travail accompagnant la deuxième attestation de suivi conduisait à la levée de ces mesures d’aménagement. Cette deuxième attestation a alors été analysée comme un avis du médecin du travail pouvant être contesté devant les juges prud’homaux (Cass. soc., 26 oct. 2022, n° 21-17.484).

Quelles solutions pour l’employeur face à une attestation de suivi ?

L’employeur peut toujours envisager, afin d’être en mesure d’opérer une contestation à l’encontre de la décision d’aptitude totale délivrée par le médecin du travail, de solliciter ce dernier afin qu’il établisse des propositions de mesures individuelles.

Il convient sans doute alors que l’employeur puisse faire valoir des éléments objectifs susceptibles de mettre en doute l’aptitude totale : plaintes du salarié, limitations visibles de ses postures, avis médical (certificat du médecin traitant communiqué par le salarié), reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (et le cas échéant, avis d’un professionnel compétent dans l’accompagnement des TH) …

En cas de formulation de mesures par le médecin du travail, ces dernières seront potentiellement contestables par l’employeur.

Inversement, en cas de refus du médecin du travail, l’employeur pourrait envisager de contester ledit refus qui constituerait en soi une indication par abstention émise par le Médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, conformément aux dispositions de l’article L. 4624-7 dans une lecture extensive.

Ce point n’a cependant jamais été tranché en jurisprudence.