Contrat de travail

Le projet d’ordonnance relatif à la « prévisibilité et la sécurisation des relations de travail » tire les conséquences de certains constats dressés par le rapport conjoint des partenaires sociaux sur « le développement du télétravail et du travail à distance », remis le 7 juin 2017 à la ministre du Travail,

Le projet d’ordonnance ne réforme pas profondément le télétravail, mais entend favoriser son développement par la sécurisation de différents aspects et l’intégration dans la loi de certaines pratiques. Décryptage par Marie-Pierre Olive, Avocat Associé

L’encadrement du télétravail par accord collectif ou à défaut par une charte

Aujourd’hui, l’accès au télétravail est conditionné par la conclusion d’un contrat de travail ou un avenant dont le contenu est précisé par la loi. Un accord d’entreprise peut être conclu mais n’est pas un préalable à l’accès au télétravail.

Le projet d’ordonnance inverse cette logique : le télétravail s’exercerait dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut d’une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE.

L’accord, ou à défaut la charte, préciserait :

  • les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur pourrait habituellement contacter le salarié en télétravail.

Ces points étant prédéfinis, l’employeur n’aurait plus à fixer, « en concertation avec le salarié », les plages horaires durant lesquelles il peut habituellement le contacter (modification de article L 1222-10 issu du projet d’ordonnance)

Exit également l’obligation de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail. Attention, cela ne signifie pas que l’employeur n’aurait plus à fournir au salarié les moyens nécessaires à son activité. L’employeur reste en effet tenu par ses obligations de droit commun.  Mais l’accord, ou à défaut la charte pourrait définir ces moyens avec plus de flexibilité, en instituant une indemnité forfaitaire, ou en tenant compte des spécificités liées au télétravail occasionnel.

Les dispositions de l’accord pourraient permettre d’exclure le recours systématique au contrat de travail formalisant le recours au télétravail, privilégiant alors le volontariat du salarié. Mais ce type de dispositif semble néanmoins devoir être évité en pratique.

La reconnaissance du télétravail occasionnel soumis au double volontariat

Aujourd’hui, selon le code du travail, le télétravail est un mode d’organisation du travail volontaire et régulier.

Le projet d’ordonnance intègre la pratique répandue du télétravail occasionnel : le télétravail désignerait toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.

Comme aujourd’hui, le refus d’accepter un poste en télétravail ne serait pas un motif de rupture du contrat de travail.

Mais ce mode d’organisation du travail peut désormais  être occasionnel. Dans cette hypothèse, le « double accord » de l’employeur et du salarié sera requis, à chaque mise en œuvre. Il pourra être recueilli par tout moyen, sans qu’il soit nécessairement besoin de recourir au formalisme de l’avenant au contrat de travail (échange de mails, …).

Le projet d’ordonnance maintient par ailleurs le recours au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas de menace d’épidémie, en abandonnant le renvoi à des décrets, qui n’ont jamais été publiés.  

L’accord ou la charte pourrait ainsi utilement traiter de ces différentes situations.

Le droit pour le salarié de demander le bénéfice du télétravail

Aujourd’hui, le télétravail n’est ni un droit ni une obligation pour le salarié. Ce dernier bénéficie néanmoins du droit de refuser le télétravail.

Le projet d’ordonnance, sans reconnaître un droit inconditionnel au télétravail, franchit une première étape en octroyant au salarié le droit de demander à l’employeur de « télétravailler » :

  • pour faire face à des contraintes personnelles,
  • sous réserve qu’il occupe un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par l’accord collectif ou, à défaut, par la charte.

En cas de refus, l’employeur devra alors motiver sa réponse.

L’émergence d’un statut du télétravailleur

Le projet clarifie enfin certains points qui pourraient constituer un frein pour les candidats au télétravail.

Il précise que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. Il a notamment les mêmes droits collectifs et dispose du même accès à la formation.

L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les plages horaires du télétravail serait présumé être un accident du travail au sens des dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale.