Covid-19

Le droit de retrait n’est pas la réponse universelle à toute situation de danger, ni même la réponse à tout risque présentant un caractère nouveau.

Le cas des salariés du Louvre, et plus largement le fait que ce droit soit régulièrement sorti / détourné de son objet, souvent de manière collective et avec force médiatisation (sans que cela donne lieu à une réponse disciplinaire de l’employeur ni donc à un contentieux, par souci de garantir la paix sociale), ne doivent pas conduire à ignorer la vocation exacte de ce droit dont l’usage doit demeurer subsidiaire et exceptionnel.

Qu’est-ce que le droit de retrait ?

En résumé, ce droit créé en 1982 (en même temps que le CHSCT) est le moyen ultime qu’a offert la loi à un travailleur qui, confronté à un risque susceptible de se réaliser de manière immédiate et irréversible, ne dispose plus d’autre moyen que celui consistant à se soustraire à la situation de travail sans l’autorisation de l’employeur. L’exemple souvent donné était celui d’un ouvrier du bâtiment refusant de travailler en hauteur sans protection. Dans ce cas, le salarié bénéficie d’une protection juridique exceptionnelle en ce sens qu’il ne peut faire l’objet ni d’une retenue de salaire ni d’une sanction disciplinaire.

Article L. 4131-1 du Code du travail

Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Quand peut-il être valablement exercé ?

Comme ce droit a vocation à s’exercer dans une situation de risque imminent, c’est-à-dire dans un contexte où le salarié dispose de très peu de temps pour réfléchir et agir, l’exercice du droit de retrait n’est pas subordonné à l’existence réelle du risque mais à l’existence d’un « motif raisonnable » de penser que le risque existe.

Ceci ne signifie pas que le droit de retrait puisse s’exercer à l’égard de toute situation de risque potentiel (ici, contact d’un public potentiellement infecté), mais au contraire que le droit de retrait s’exerce dans l’urgence, donc face à un risque immédiat qui, sans être nécessairement certain, n’en demeure pas moins objectif et tangible (exemple : cette personne présente des symptômes, elle ne porte pas de masque, je ne sais pas comment agir).

Le droit de retrait ne peut pas s’exercer à l’égard de toute situation de risque potentiel

Surtout le droit de retrait est un droit qui demeure exceptionnel et subsidiaire en ce sens que le salarié doit tenir compte :

  1. de la gravité du risque au regard de la nature-même du travail qui lui est demandé et des risques que ce travail comporte : un praticien de santé ne peut refuser par principe de travailler au contact de la pathologie ;
  2. de la réalité du risque et des mesures de prévention mises en œuvre ou susceptibles de l’être à l’égard de ce risque : le droit de retrait ne peut pas être la première réponse à une situation exposant à une contamination potentielle ; il ne peut être exercé que si le salarié a une raison objective de penser que les mesures prises ou pouvant être prises sont insuffisantes et qu’il n’a pas d’autre choix que de se retirer pour éviter la contamination.

Cela suppose que l’employeur ait informé les salariés sur la réalité du risque (conditions de la contamination possible) et sur l’étendue et l’échelle des mesures adoptées.

En effet, une mauvaise information rend plus excusable une erreur d’analyse de la part du salarié.

Dans un contexte de nouveauté et de tension, l’employeur a également intérêt à indiquer dans quels cas précis le salarié sera exceptionnellement autorisé à exercer son droit de retrait et les dispositions à prendre en urgence.

A titre d’exemple, le TA de Versailles a considéré à propos d’une enquête demandée suite à une alerte pour danger grave et imminent (2 juin 1994, 872364, H. c/ Administration générale de l’assistance publique) :

 « que l’admission, dans un établissement hospitalier, de malades porteurs du virus H.I.V. ou de l’hépatite virale B ne présente pas, par elle-même, le caractère d’un danger grave et imminent au sens des dispositions précitées de l’article L. 231-9 du code du travail, dès lors qu’un tel établissement, en raison même de sa mission, doit être apte à faire face aux risques de contagion pour ses agents et pour les tiers ; qu’en outre les requérants se sont bornés à demander une enquête sans apporter aucune précision sur les conditions et les caractères des risques encourus ;

Considérant qu’il suit de là que le directeur du groupe hospitalier, qui avait au surplus, préalablement à la décision attaquée, diffusé une note d’information au sein des deux établissements J et D relative aux mesures à prendre en la matière, était fondé à rejeter la demande d’enquête ; qu’il y a lieu, par suite, de rejeter la requête »