Covid-19

Nous n’aborderons pas ici la situation précise dans laquelle l’existence d’un déplacement dans une zone à risque (à ce jour : Chine continentale, Hong Kong, Macao, Singapour, Corée du Sud, Iran, régions de Lombardie et de Vénétie en Italie) est connue avec certitude : elle a déjà été abordée dans un précédent post (Matthieu Babin : Coronavirus COVID-2019 : quelles actions pour l’employeur confronté au risque ?).

De manière plus large, il est indéniable que l’épidémie constitue un risque, dont l’entreprise ne sera pas préservée. De nombreux salariés s’y côtoient chaque jour, sans que la destination de leurs déplacements personnels ne puisse être connue de l’employeur, tout comme les personnes qu’ils peuvent fréquenter en dehors du cadre professionnel.

Cette situation, à la lumière de l’obligation générale de sécurité et de protection de la santé, impose d’appréhender le risque en question, et de fixer les mesures qui permettront de le réduire.

Quelles mesures préventives peut-on mettre en place ?

1°) DIFFUSER LES RECOMMANDATIONS GOUVERNEMENTALES

Diffuser, par voie d’affichage et/ou sur l’intranet de l’entreprise, les mesures recommandées par le gouvernement (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) et veiller à leur application effective.

2°) DEMANDER AUX SALARIES CONCERNES DE SE SIGNALER

Par voie d’affichage ou de communication individuelle généralisée, demander aux salariés qui prévoient un déplacement personnel (congés) vers une zone à risque ou qui en reviennent à se signaler à leur responsable hiérarchique sans délai.

Certes, la destination choisie relève de la vie privée du salarié dans laquelle l’employeur ne doit en principe pas s’immiscer. Toutefois dans le cas présent, cette immixtion est justifiée par l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur et est proportionnée à l’objectif de protéger la santé des salariés. Elle est par ailleurs temporaire, pour la durée de l’épidémie. Il convient enfin de rappeler que le salarié lui-même doit « prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail » (C. trav., art. L. 4122-1).

3°) AGIR SUITE A UN SIGNALEMENT

Pour les salariés dont on sait qu’ils reviennent de zones à risque, la communication et la mise en œuvre des consignes gouvernementales spécifiques s’imposent.

  • Recourir au télétravail

Ces consignes conduisent à devoir privilégier dans un premier temps, et dans la mesure du possible, le recours au télétravail, dont les modalités et la durée seront fixées en accord avec le salarié concerné, à défaut d’accord collectif ou de charte sur ce thème dans l’entreprise.

A noter que le Code du travail prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés (C. trav., art. L. 1222-11).

  • Aménager l’éventuel retour sur le lieu de travail

Si le recours au télétravail s’avère impossible en raison de la nature des fonctions exercées par exemple, la présence sur le lieu de travail d’un salarié de retour d’une zone à risque n’est pas totalement interdite.

Elle doit cependant s’accompagner du respect de certaines recommandations particulières, intégrant notamment la surveillance de l’apparition de symptômes d’infection respiratoire, le port d’un masque chirurgical face à une autre personne ou en cas de sortie (ce qui revient en pratique à porter un masque en permanence dans le cadre professionnel), l’évitement de tout contact avec les personnes fragiles (dont les femmes enceintes et les malades chroniques, qui peuvent ne pas être identifiés dans le cadre professionnel), l’évitement des contacts proches (réunions, ascenseurs, cantine…).

La mise en œuvre de ces préconisations soulèvera le plus souvent de réelles difficultés opérationnelles, sans parler de la perturbation ou des inquiétudes que pourrait entraîner la présence d’un salarié « sous surveillance » sur le lieu de travail. Il peut donc apparaître plus réaliste d’envisager une suspension temporaire du contrat, permettant au salarié concerné de rester à son domicile.

  • Suspendre l’exécution du contrat de travail

La suspension de l’exécution du contrat peut intervenir, en utilisant les droits à congés payés, repos, récupération… dont dispose le salarié, voire en mettant le salarié en disponibilité.

Elle peut également intervenir dans le cadre d’un arrêt de travail pour maladie qui sera prescrit par le médecin traitant du salarié, l’employeur ne disposant dans ce domaine d’aucun pouvoir d’initiative ni de contrainte.

Elle peut enfin intervenir au titre du dispositif particulier résultant du décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020, pour les personnes exposées au coronavirus. Il permet aux assurés sociaux faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction et de maintien à domicile de bénéficier des indemnités journalières de sécurité sociale (et par conséquent des indemnités complémentaires résultant le cas échéant d’un régime de prévoyance) pour une durée maximale de 20 jours, sans délai de carence, et sans  devoir justifier des conditions habituelles d’ouverture des droits (pour plus de précisions, voir Circulaire CNAM n°9/2020 du 19 février 2020 relative à la prise en charge des assurés exposés au coronavirus 2019-nCoV).

NB : selon le décret du 31 janvier 2020, les personnes susceptibles de faire l’objet d’une mesure d’isolement sont celles qui ont été en contact avec une personne malade du coronavirus ou qui ont séjourné dans une zone concernée par un foyer épidémique de ce même virus et dans des conditions d’exposition de nature à transmettre cette maladie.

On soulignera cependant que les assurés susceptibles de bénéficier du dispositif doivent être identifiés par les agences régionales de santé, et que l’arrêt de travail doit être délivré par le médecin de ces mêmes agences (et non par le médecin traitant). Le caractère inhabituel de la procédure, qui est laissée à l’initiative du collaborateur – même s’il est possible pour l’employeur de fournir un appui administratif – pourrait ici jouer un rôle dissuasif.

4°) ASSOCIER LES REPRESENTANTS DU PERSONNEL

Dans tous les cas, l’association des représentants du personnel au processus mis en place ou aux mesures prises est nécessaire. Cela concerne le cas échéant la CSSCT, dans la mesure des attributions qui lui ont été déléguées par le CSE, et le CSE lui-même au titre de sa compétence exclusive en matière d’avis, comme au titre de sa compétence générale en matière d’analyse des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les salariés.

Le caractère évolutif de la situation impose enfin aux entreprises de faire preuve d’une vigilance constante afin d’adapter rapidement les procédures mises en place, dès lors que cela apparaîtra nécessaire.