Contrat de travail

Le 18 septembre 2019, l’État de Californie a ratifié un projet de loi largement commenté. Pour beaucoup, cette réforme viserait à contraindre les plateformes à salarier les artisans de la GIG economy (chauffeurs, livreurs, etc.) qui sont aujourd’hui, en très grande majorité, des travailleurs indépendants. Qu’en est-il réellement ?

Partout où elles se sont implantées, les plateformes numériques ont ouvert des gisements d’emploi qui, pour l’essentiel, ont été pourvus par des travailleurs indépendants. Passée la première vague de surprise face à l’ampleur du phénomène et d’admiration face à la rapidité de la réussite de ces nouvelles entreprises, des voix se sont élevées pour s’interroger sur la légitimité du modèle. Au premier rang des interrogations, est vite apparue la question du statut des artisans de la nouvelle économie. Le sujet est effectivement devenu universel. L’ubérisation chahute les référentiels partout où se déploient les acteurs de la GIG economy. La rapidité du phénomène est inédite ; le droit peine à s’adapter. Face aux bouleversements, aux incertitudes et aux inquiétudes qu’ils font naître, le réflexe pourrait être de se tourner vers quelque chose de connu, de nécessairement rassurant. Pourtant, il faut se garder de vouloir appliquer les vieilles recettes, par facilité. Il importe de dessiner des dispositifs nouveaux, adaptés aux enjeux et aux opportunités qu’offre la nouvelle économie.

Il faut se garder de vouloir appliquer les vieilles recettes, par facilité.  Il importe de dessiner des dispositifs nouveaux, adaptés aux enjeux et aux opportunités qu’offre la nouvelle économie.

Les décisions en provenance de l’État de Californie sont scrutées plus que les autres. Berceau de la high tech et de la nouvelle économie, toute initiative intéressant ce secteur prend une résonnance particulière lorsqu’elle provient de cette portion des États-Unis. L’adoption du projet de loi AB 5 le 18 septembre 2019 – le texte doit entrer en vigueur le 1er janvier 2020 – nous en offre une illustration. Contrairement aux raccourcis qui ont pu être faits par certains commentateurs, le législateur de l’État de Californie n’a pas interdit aux plateformes de faire appel aux travailleurs indépendants. Il faut en effet se garder de se livrer à une analyse trop superficielle. En réalité, le texte codifie 3 critères permettant de distinguer le travailleur indépendant du travailleur salarié. Selon cette grille d’analyse, est indépendant le travailleur qui remplit les conditions suivantes : 1) être libre de tout contrôle ou directive de la part de la société avec laquelle il a conclu un contrat, tant en ce qui concerne l’exécution du travail lui-même que son résultat ; 2) exécuter une prestation dont la nature est différente de l’activité habituelle de la société avec laquelle il collabore ; 3) exercer habituellement un métier ou une activité indépendante de la société avec laquelle il collabore. Il reprend à son compte le fameux ABC test qui avait été imaginé par la Cour suprême de Californie dans un arrêt du 30 avril 2018 (Dynamex Operations West, Inc. v. Superior Court of Los Angeles).

Ce projet de loi n’est pas adopté pour lutter contre les plateformes mais pour réguler, de manière plus générale, le travail indépendant, quel que soit le donneur d’ordre. Il n’interdit pas aux plateformes de collaborer avec des travailleurs indépendants.

Extrait de l’article paru au JCP / La Semaine Juridique – Edition sociale n° 39, 1er octobre 2019

L’article est disponible in extenso en téléchargement ci-dessous.

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