Rupture

Souhaitant éviter que les instances représentatives du personnel n’instrumentalisent la procédure d’information-consultation précédant la mise en œuvre d’un PSE, le Conseil d’Etat adopte en la matière une position très pragmatique destinée à « sauver » des décisions d’homologation ou de validation qu’une lecture trop rigide des textes aurait pu conduire à annuler.

S’inscrivant dans la droite ligne de l’arrêt « Danthony » dont le principe irrigue toute la jurisprudence administrative, le Conseil d’Etat considère que, nonobstant les vices ayant éventuellement pu affecter la procédure de consultation, celle-ci est néanmoins régulière dès lors que le comité d’entreprise a pu rendre ses avis en toute connaissance de cause (CE, 27 mars 2015, n° 371852). Pour ce faire, l’administration doit s’assurer que le comité a rendu ses avis dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation (CE, 4 juillet 2018, n° 397059).
Dans un récent arrêt (CE, 22 mai 2019, n° 420780), le Conseil d’Etat confirme cette position pragmatique.

Consultation du CSE en matière de PSE : quels délais ?

Étaient ici en jeu les délais de consultation du comité d’entreprise – aujourd’hui CSE – qui, rappelons-le, varient (de deux à quatre mois) en fonction du nombre de licenciements envisagés par le PSE. A défaut d’avis rendu dans ces délais, le comité est réputé avoir été consulté. En l’occurrence, le comité d’entreprise avait rendu ses avis le 9 juin 2017 alors que le délai légal de consultation (de deux mois) avait expiré depuis le 7 février.

Pour contester la décision administrative d’homologation du PSE, les demandeurs faisaient valoir que, sauf à ce qu’il ait été prolongé par le bais d’un accord de méthode, le dépassement de ce délai invalidait nécessairement la procédure de consultation.

A cet effet, ils invoquaient les dispositions de l’article L.1233-30 du code du travail aux termes desquelles « le comité d’entreprise (aujourd’hui le comité social et économique) rend ses avis dans un délai qui ne peut être supérieur (…) à deux mois (…) » et qu’« une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais différents. »

Si cet argument pouvait s’appuyer sur un fondement textuel en apparence sérieux, il faisait en revanche peu de cas de l’esprit de la loi.

A cet égard, il n’est pas anodin que, dans la motivation de sa décision, le Conseil d’Etat se réfère explicitement aux travaux préparatoires de la loi du 14 juin 2013 dont est issu l’article L. 1233-30. Il en ressort effectivement que la volonté du législateur n’était pas d’instituer des délais impératifs mais des délais à l’expiration desquels naît une présomption de consultation du comité d’entreprise. Sur ce point, le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale soulignait d’ailleurs que « si le chef d’entreprise pense qu’il peut recueillir un avis positif de la part du comité du comité d’entreprise, il sera incité à accorder un délai supplémentaire à celui-ci ».

Dépassement des délais : la position pragmatique du Conseil d’Etat

Aussi, pour le Conseil d’Etat, le dépassement du délai de consultation importe peu en soi notamment lorsque que, comme en l’espèce, le comité a finalement exprimé des avis. Fidèle à son approche désormais classique, c’est la qualité de la procédure de consultation qui est, selon lui, déterminante.

Plus particulièrement, lorsqu’aucun avis n’a été rendu par le comité, le Conseil d’Etat juge que le DIRECCTE ne peut homologuer ou valider le plan qui lui est transmis qu’à deux conditions. Tout d’abord, l’administration doit bien évidemment vérifier que le délai de consultation est échu à la date de cette transmission. Ensuite, elle doit contrôler que le comité a été mis à même, avant cette transmission, de rendre ses avis en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation.

Concrètement, le DIRECCTE devra s’assurer que l’employeur ne s’est pas contenté de laisser le temps s’écouler mais qu’il a satisfait loyalement à ses obligations en prenant notamment toutes les initiatives lui incombant et destinées à permettre au comité de se prononcer « en toute connaissance de cause » (transmission d’informations, organisation de réunions, etc.).

Au final, respectueuse de l’objectif de la loi et des principes que le Conseil d’Etat a lui-même dégagés, cette décision – dont on précisera qu’elle a également vocation à s’appliquer au CSE – est rassurante pour les entreprises mais aussi pour les salariés et leurs représentants.

En effet, la solution inverse aurait légitimement conduit les employeurs à préférer systématiquement se satisfaire d’une absence d’avis à l’issue des délais légaux plutôt que de se risquer à donner un temps supplémentaire aux élus pour leur permettre de se positionner explicitement sur les sujets qui sont soumis à leur consultation. Personne n’aurait donc eu à y gagner …