Contrat de travail

Le titre de séjour « Talent – Carte Bleue Européenne » à destination des ressortissants étrangers hautement qualifiés actuellement codifié à l’article L. 421-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) est issu d’une Directive européenne. Particulièrement favorable, il permet en droit français à un ressortissant étranger de bénéficier d’une carte de séjour pluriannuelle pour l’exercice d’une activité salariée sans nécessité d’obtenir une autorisation de travail préalable, sous réserve de justifier d’un niveau de rémunération et de qualifications professionnelles élevés.

L’Union Européenne a souhaité renforcer ce dispositif dans le cadre de sa politique migratoire et a adopté une nouvelle directive le 20 octobre 2021 (Directive (UE) 2021/1883) devant être transposée au plus tard le 18 novembre 2023.

C’est au travers du projet de loi « portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne » (dit DADUE) déposé le 31 octobre 2024 que les mesures de mise en conformité du Ceseda aux dispositions de cette directive ont été intégrées. Ce texte a été adopté par les deux assemblées le 2 et 3 avril 2025, et est actuellement soumis à l’examen du Conseil Constitutionnel. Il entrera en vigueur après sa publication au JO, expurgé le cas échéant des dispositions jugées inconstitutionnelles.

Des conditions d’éligibilité au titre « Talent – Carte Bleue Européenne » assouplies

Les conditions pour bénéficier du titre « Talent – Carte Bleue Européenne » étaient déjà favorables et facilement remplies compte tenu des profils de salariés visés par ce dispositif. Le texte adopté par le parlement assouplit davantage les conditions d’octroi :

  • Condition tenant au contrat de travail : le salarié devra avoir conclu un contrat de travail d’une durée de 6 mois minimum. La durée minimum actuelle est de 1 an. En pratique, les salariés concernés étant le plus souvent munis d’un CDI, cette modification devrait avoir une portée limitée.
  • Condition tenant aux qualifications professionnelles élevées : jusqu’à présent, le salarié devait justifier d’un diplôme sanctionnant au moins 3 ans d’études supérieures ou d’une expérience professionnelle d’au moins 5 années d’un niveau comparable. Ces deux options sont désormais accompagnées d’une troisième possibilité pour remplir cette condition : pour certaines professions, et dans des conditions qui seront déterminées par décret, le salarié pourra justifier d’avoir acquis au moins 3 ans d’expérience professionnelle pertinente au cours des 7 années précédant la demande. La Directive liste en annexe les professions de managers et spécialistes des technologies de l’information et de la communication, il conviendra d’attendre le décret pour la mise en œuvre pratique de cette nouvelle option.
  • Condition tenant à la rémunération : le salarié devra justifier d’un niveau de rémunération fixé par décret qui ne pourra être inférieur à 1,5 fois le salaire annuel brut moyen. Ce salaire a été fixé par arrêté du 28 octobre 2016. Cette condition n’est pas nouvelle mais n’avait pas été recodifiée lors de la refonte du Ceseda en 2021 bien que toujours exigée dans les faits.

Si ces 3 conditions sont remplies, le salarié se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle « Talent – Carte Bleue Européenne » qui a également valeur d’autorisation de travail.

La Directive prévoit une durée de validité du titre délivré de 2 ans. Le droit français est plus favorable sur ce point, les cartes de séjour pluriannuelles ayant en principe une durée de validité de 4 ans.

Ainsi, le titre délivré sera valable pour la durée du contrat de travail

  • dans la limite de 4 ans si le contrat est conclu pour une durée d’au moins 2 ans
  • et pour la durée du contrat augmentée de 3 mois dans la limite de 2 ans dans le cas contraire.

    L’ajout de dispositions relatives au refus de délivrance du titre ou à son retrait tenant à l’employeur

    De nouveaux alinéas complètent l’article L. 421-11 du Ceseda afin de prévenir d’éventuels fraudes ou abus :

    • La demande de titre ou de renouvellement du titre pourra être refusée si l’entreprise « a été créée ou opère dans le but principal de faciliter l’entrée de ressortissants de pays tiers »
    • La demande de titre ou de renouvellement du titre pourra être refusée ou la carte de séjour pluriannuelle retirée lorsque « l’employeur a manqué à ses obligations légales en matière de sécurité sociale, de fiscalité, de droits des travailleurs ou de conditions de travail » ou fait l’objet d’une condamnation pénale pour une infraction de travail illégal

    D’autres mesures sont mises en œuvre pour faciliter la mobilité intra-européenne (entre Etats Membres de l’UE), en abaissant la durée de séjour requise pour un salarié détenteur d’une « Carte Bleue Européenne » dans un Etat Membre qui lui permet de s’installer sur le territoire d’un autre Etat Membre sur la base de ce titre, et de solliciter la délivrance d’une nouvelle « Carte Bleue Européenne » dans ce second Etat dans le mois qui suit son arrivée.

    L’article L. 421-12 du Ceseda relatif à la délivrance de la carte de « Résident de longue durée – UE » de 10 ans est également modifié afin d’élargir les possibilités de cumuler des périodes de résidence dans différents Etats Membres pour bénéficier de cette carte en permettant notamment de prendre en compte des périodes de séjour sous couvert d’autres titres que les seuls titres « Carte Bleue Européenne ».

    L’objectif affiché de la révision de la Directive européenne en 2021 était de développer le recours au titre « Carte Bleue Européenne » dans un contexte de course aux talents et aux compétences. On constate toutefois qu’en 2024, le nombre de visa de long séjour mention « Talent » délivré par la France à des ressortissants étrangers salariés (comprenant la catégorie « Talent – Carte Bleue Européenne » mais pas uniquement) est en baisse pour la 2ème année consécutive (-28,9% par rapport à 2023, 4 928 visas délivrés). Il en est de même pour la délivrance des titres de séjour en première demande et renouvellement sur cette population, avec une baisse de -12,6% par rapport à 2023.

    L’avenir nous dira si les mesures mises en place permettront de faire repartir à la hausse le nombre de titres attribués sous cette catégorie.

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