Le contexte
Un salarié technicien se soumet à un examen médical du 5 décembre 2013, à l’issue duquel le médecin du travail conclut – sur un formulaire d’« aptitude » – à … l‘inaptitude au poste de travail et à … l’aptitude à un poste de bureautique. Le salarié est ensuite placé en arrêt de travail, puis en longue maladie.
En 2018, le salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes de rappels de salaires au titre de l’article L. 1226-4 du code du travail (reprise du salaire à l’échéance d’un délai d’un mois suivant l’inaptitude), considérant que le médecin du travail avait rendu un avis d’inaptitude le 5 décembre 2013.
L’employeur est condamné par la Cour d’appel, et forme un pourvoi au soutien duquel il expose que l’avis rendu le 5 décembre 2013 a été rendu sur un formulaire d’« aptitude », et que si le salarié avait entendu le faire requalifier en avis d’inaptitude, il lui appartenait de saisir l’inspecteur du travail d’un recours.
Remarque
Ce n’est que depuis le 1er janvier 2017 que la contestation des avis du médecin du travail par le salarié ou par l’employeur ne relève plus de la compétence de l’inspecteur du travail, mais de celle de la juridiction prud’homale (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-45 et s. – L. n° 2016-1088, 8 août 2016)
La décision de la Cour de cassation
Apte ? Inapte ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2025 (Cass. soc. 28 janvier 2025, n° 23-17.474), rejette le pourvoi : c’est à juste titre que « la cour d’appel, qui a constaté que le 5 décembre 2013, le médecin du travail avait conclu à l’inaptitude au poste de travail et à l’aptitude du salarié à un poste de bureautique pur, sans port de charge de plus de 15 kg, a exactement déduit que l’avis du médecin du travail du 5 décembre 2013 était un avis d’inaptitude, peu important que cet avis porte en en-tête « avis d’aptitude » ».
Une interprétation libre ?
La Cour de cassation considère que le débat posé relève d’une pure interprétation du sens de l’avis délivré par le médecin du travail, laquelle relève de la compétence de la Juridiction prud’homale dans le cadre de la procédure de droit commun.
A cet égard, il faut souligner que la portée de cette décision semble limitée, car il s’agit d’une affaire antérieure à l’entrée en vigueur de l’actuel arrêté du 16 octobre 2017 « fixant le modèle d’avis d’aptitude, d’avis d’inaptitude, d’attestation de suivi individuel de l’état de santé et de proposition de mesures d’aménagement de poste ».
S’agissant de la distinction entre inaptitude et aptitude (ou absence d’inaptitude), les problèmes d’interprétation devraient devenir rares compte tenu de l’existence d’un formulaire spécifique au constat de l’inaptitude depuis cet arrêté.
Requalification d’un aménagement de poste en constat d’inaptitude : mode d’emploi
Toutefois, la décision est intéressante car il en résulte que, face à un avis d’aptitude, l’employeur peut :
- Soit contester l’avis, par exemple faire requalifier un simple aménagement de poste en véritable constat d’inaptitude (v. par ex. Cass. soc., 24 mars 2021, n° 1916.558) ; dans ce cas, il doit saisir sous 15 jours le Conseil de prud’hommes en procédure accélérée au fond.
- Soit prendre le risque d’« interpréter » l’avis comme constatant une inaptitude, et se préparer à soutenir cette interprétation en cas de contestation du salarié devant le Conseil de prud’hommes en procédure normale.
Procéder ainsi relève d’une réelle prise de risque (bien-fondé et validité du licenciement) qu’il convient de peser au cas par cas.
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