Rupture

La notification du licenciement pour motif économique est conditionnée à la mise en œuvre préalable d’une recherche de postes de reclassement interne (au sein de l’entreprise ou du groupe en France). Cette recherche et sa formalisation répondent à des conditions strictes, dont la violation est susceptible de priver le licenciement intervenu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation se montre sur ce point intransigeante, en témoignent notamment deux arrêts récents (Cass. soc,. 23 oct. 2024, n°23-19.629 ; Cass. soc,. 8 janv. 2025, n° 22-24.724).

Offres de reclassement : selon quelles modalités ?

Antérieurement à la législation actuellement en vigueur, l’obligation de reclassement devait donner lieu à l’envoi par l’employeur à chaque salarié d’offres de reclassement individualisées. Les conditions de communication des offres de reclassement ont cependant été assouplies par une ordonnance n°2017-1387 du 20 décembre 2017, créant une possibilité alternative de communiquer à l’ensemble des salariés et par tout moyen une liste des postes disponibles (C. trav., art. L.1233-4).

Le contenu de l’offre de reclassement – qu’elle soit personnalisée ou qu’elle prenne la forme de l’envoi d’une liste diffusée à l’ensemble des salariés – est précisé à l’article D.1233-2-1 du Code du travail.

Le contenu de l’offre de reclassement

Six mentions doivent figurer dans l’offre de reclassement : l’intitulé du poste et son descriptif, le nom de l’employeur, la nature du contrat de travail, la localisation du poste, le niveau de rémunération et la classification du poste.

S’il avait déjà pu être jugé que les offres devaient être précises, une incertitude pouvait cependant subsister quant aux conséquences liées à l’absence de certaines mentions visées à l’article D.1233-2-1, II du Code du travail.

Il pouvait notamment être considéré que le contenu de l’offre d’emploi devait être apprécié globalement dès lors que l’offre demeurait suffisamment précise et que le salarié pouvait valablement prendre position.

C’est cette thèse qui était défendue, dans l’arrêt en date du 23 octobre 2024 (Cass. soc., 23 oct. 2024, n°23-19.629), l’employeur ayant omis de mentionner dans l’offre de reclassement le nom de l’entreprise, la classification du poste et la nature du contrat de travail.

Cette interprétation est cependant rejetée par la Cour de cassation, qui a estimé qu’ « à défaut de l’une de ces mentions, l’offre est imprécise », et ce, sans qu’il n’y ait à rechercher si le salarié avait, ou non, eu la possibilité de se positionner en toute connaissance de cause.

En dépit de cette imprécision de l’offre, il aurait pu être considéré que l’absence de l’une de ces six mentions constituait une irrégularité de procédure, qu’il convenait de réparer uniquement si le préjudice était établi, ce qui n’était pas démontré, la salariée ayant notamment refusé cette proposition de reclassement sans solliciter la moindre précision et sans émettre la moindre réserve.

Ce n’est pourtant pas la solution retenue par la Cour, qui considère qu’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement est caractérisé, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse.  

La nécessaire inclusion des critères de départage dans la liste des offres de reclassement

La Haute Juridiction conserve le même niveau d’exigence s’agissant de l’envoi de la liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés.

En ce qui concerne cette liste, l’article D.1233-2-1, III du Code du travail précise que les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste doivent être mentionnés de même que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite.

Par un arrêt du 8 janvier dernier, la Cour de cassation est venue préciser pour la première fois qu’à défaut de mention des critères de départage, « l’offre est imprécise en ce qu’elle ne donne pas les éléments d’information de nature à donner aux salariés les outils de réflexion déterminant leur décision, ce qui caractérise un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement » (Cass. soc., 8 janv. 2025, n° 22-24.724). Le licenciement est en conséquence privé de cause réelle et sérieuse.

Cette solution est pour le moins discutable, notamment lorsque, comme dans le cas d’espèce, un plan de sauvegarde de l’emploi dans lequel figurait les critères de départage avait été mis en œuvre !

La mention des critères de départage dans la liste des postes disponibles communiquée aux salariés n’apparaissait dès lors pas comme étant constitutive d’un élément décisif dans le choix des salariés, puisque ces critères étaient inclus dans le PSE.

L’employeur soulignait d’ailleurs que la mention de ces critères de départage n’avait pas pour objectif de guider la décision du salarié mais avait uniquement pour but de permettre un contrôle a posteriori de leur bonne application.

La solution est d’autant plus critiquable lorsque ces critères de départage ne sont pas susceptibles d’être appliqués, le salarié n’ayant candidaté à aucune offre.

Cette omission aurait donc dû constituer une simple irrégularité, pouvant donner lieu à réparation si l’existence d’un préjudice était établie.

Ces décisions de la Cour de cassation appellent donc à la plus grande vigilance dans la rédaction des offres de reclassement.

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