Rupture

De nombreuses circonstances peuvent conduire un employeur à reporter un entretien préalable à une sanction disciplinaire : demande du salarié, indisponibilité du représentant de l’entreprise ou encore événement extérieur empêchant sa tenue par exemple. Cette situation, fréquente en pratique, est source d’un important contentieux.

Par un arrêt du 22 janvier 2025 (Cass. soc., 22 janv. 2025, n° 23-19.892), la Cour de cassation revient sur les conséquences du report de l’entretien préalable sur le délai de notification de la sanction disciplinaire. L’occasion de faire le point sur une jurisprudence bien établie, mais trop souvent méconnue.

Un strict encadrement du délai de notification de la sanction

Pour rappel, le Code du travail (art. L. 1332-2) encadre le délai entre l’entretien préalable et la notification de la sanction disciplinaire par :

  • un délai minimum : la sanction disciplinaire ne peut être intervenir moins de 2 jours ouvrables après le jour fixé pour l’entretien préalable ;
  • un délai maximum : la sanction disciplinaire ne peut être intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable.

La jurisprudence applique strictement cette disposition, considérant que le respect du délai maximum constitue une règle de fond. Le dépassement du délai d’un mois pour notifier le licenciement rend donc le licenciement sans cause réelle et sérieuse (voir par ex. Cass. soc., 30 nov. 2010, n° 09-68.174).

Si la durée de ce délai est clairement fixée, un débat peut néanmoins s’élever sur son point de départ, en particulier dans l’hypothèse d’un report de l’entretien préalable.

Une incertitude sur le point de départ du délai

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, une salariée avait été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. Initialement fixé au 29 août 2019, l’entretien a par la suite été reporté au 6 septembre 2019 à l’initiative de l’employeur, sans visiblement qu’aucune justification ne soit apportée sur les raisons de ce report. Le licenciement pour faute grave a finalement été notifié le 7 octobre 2019.

Estimant la notification tardive, la salariée a saisi la juridiction prud’homale, faisant valoir que le délai d’un mois devait courir à compter de la date initialement fixée pour l’entretien, à savoir le 29 août 2019.

L’employeur considérait au contraire que le délai devait nécessairement être décompté à partir de la date effective de l’entretien, soit le 6 septembre 2019. Dans cette hypothèse, la notification du 7 octobre 2019 était valable : le 6 octobre étant un dimanche, le délai est dans ce cas reporté au premier jour ouvrable suivant. Ce raisonnement semble logique dès lors que le délai accordé à l’employeur pour notifier la sanction disciplinaire vise à lui permettre de mûrir sa réflexion, en tenant compte notamment des explications fournies par le salarié lors de l’entretien préalable.

Telle n’est pourtant pas la position de la Cour de cassation.

Une jurisprudence constante de la Cour de cassation : pas de conséquence du report de l’entretien sur le délai de notification

Dans sa décision du 22 janvier, la Cour de cassation rappelle que « si le report de l’entretien préalable au licenciement résulte de la seule initiative de l’employeur, le délai maximal de notification du licenciement disciplinaire d’un mois court à compter de la date prévue pour l’entretien initial. »

Par cette décision, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence selon laquelle le report de l’entretien préalable à l’initiative de l’employeur ne modifie pas le point de départ du délai de notification, lequel reste fixé à la date initialement fixée pour l’entretien.

En l’espèce, le délai d’un mois avait donc commencé à courir dès le 29 août 2019, à la date de l’entretien initialement fixé, de sorte que la notification du licenciement intervenue le 7 octobre 2019 était tardive. L’arrêt d’appel ayant débouté la salariée de ses demandes est donc cassé.

Cette solution, se veut incontestablement protectrice des intérêts des salariés, tandis que l’employeur voit, lui, le délai de sa réflexion « post-entretien » raccourci (réflexion à laquelle les éléments échangés lors de l’entretien sont évidemment indispensables). .

Elle s’inscrit dans une jurisprudence qui prévoit des conséquences différentes en fonction de l’origine du report :

  • Lorsque le report est à la seule initiative de l’employeur (situation de l’espèce) : le délai court à compter de la date initialement fixée pour l’entretien, y compris si le salarié ne s’est pas présenté à l’entretien (v. par ex., Cass. soc., 28 sept. 2022, n° 21-15.136) ;
  • Lorsque le report est à l’initiative du salarié : le délai court à compter de la date de l’entretien reporté (v. par ex. Cass. soc., 17 sept. 2014, n°13-19.499) ;
  • Lorsque le report fait suite à l’information du salarié de son impossibilité de se rendre à l’entretien : le délai court à compter de la date de l’entretien reporté (v. par ex. Cass. soc., 15 déc. 2010, n° 09-43.075) ;
  • Lorsque le report fait suite à la révélation de faits fautifs nouveaux : une nouvelle convocation doit être adressée, et le délai court à compter de cette nouvelle date (Cass. soc., 6 avril 2022, n°20-22.364).

Compte tenu des conséquences d’un dépassement du délai de notification, il est recommandé aux employeurs de faire preuve d’une vigilance accrue en cas de report de l’entretien préalable et, s’ils ne sont pas à l’origine de celui-ci, de conserver tous les éléments justifiant que la demande de report émane du salarié.

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