Protection sociale

Le contexte

La 2e chambre civile de la Cour de cassation a été saisie d’une QPC relative aux règles applicables à l’engagement et à la prescription d’une demande de reconnaissance d’une faute inexcusable de l’employeur à l’origine d’un accident du travail (AT) ou d’une maladie professionnelle (MP), tels qu’appliquées par la jurisprudence, aux termes de laquelle :

  • l’action en reconnaissance de l’existence d’une faute inexcusable n’est pas ouverte à la victime d’une rechute de cet accident ou de cette maladie ;
  • la survenance d’une rechute n’ouvre pas un nouveau délai de prescription, quand bien même cette rechute résulte d’un acte fautif de l’employeur.

La QPC soulève la question de la conformité de ces règles à la Déclaration de 1789, dont il découle un droit à réparation de la victime d’un acte fautif ainsi qu’un droit à un recours juridictionnel effectif.

La décision de la Cour de cassation

Dans une décision du 23 janvier dernier, la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC au Conseil constitutionnel (Cass. 2ème civ., 23 janvier 2025, n° 24-40.026), retenant que :

  • d’abord, la victime peut contester, dans sa relation avec la CPAM, la qualification de rechute retenue par celle-ci, tant que cette décision n’est pas devenue définitive à son égard ;
  • ensuite, la rechute ne pouvant être que la conséquence exclusive de l’accident ou de la maladie initiale, en dehors de tout événement extérieur, il en découle que seule la faute inexcusable de l’employeur à l’origine de l’AT/MP peut être recherchée par le salarié victime sur le fondement de l’article L. 4521 du code de la sécurité sociale ;
  • enfin, l’indemnisation complémentaire à laquelle la victime d’une faute inexcusable a droit en application de ce texte s’étend aux conséquences de la rechute de cet accident ou de cette maladie.

L’absence d’incidence de la rechute sur l’action en reconnaissance de la faute inexcusable

Cette solution, cohérente avec celles rendues en matière d’action en responsabilité de droit commun en cas d’aggravation du dommage corporel (par exemple : Cass. 2ème civ., 11 juillet 2024, n° 23-10.688), n’est pas nouvelle : la Cour de cassation a déjà retenu que la rechute n’a pas d’incidence sur les règles d’engagement ou de prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur. Ainsi a-t-elle déjà jugé que :

Ces arrêts étaient d’ailleurs visés dans le texte de la QPC.

A noter en outre que la Cour de cassation avait déjà, en 2016, refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel une QPC relative à la prescription de l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur à la suite d’une rechute (Cass. QPC, 8 septembre 2016, n° 16-12.345, F-D).

Une position désormais bien établie ?

Autant d’occasions saisies par la Cour de cassation pour réaffirmer sa position sur ce point, dont il ressort une sécurité juridique bienvenue pour l’employeur.

Il sera en effet rappelé que, dans le cadre l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, le délai de prescription de 2 ans est à « géométrie variable », ou plutôt « à point de départ variable », ce dernier pouvant différer selon les situations.

Le délai de prescription de 2 ans court ainsi à compter :

  • du jour de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie,
  • OU de la cessation du paiement des indemnités journalières,
  • OU ENCORE du jour de la clôture de l’enquête de la Caisse.

Ajouter à ces différentes hypothèses de point de départ du délai de prescription celle de l’éventuelle rechute de l’accident ou de la maladie aurait conduit à davantage de complexité et d’insécurité juridique.

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