Emploi

Pour relever les défis liés aux transformations organisationnelles et managériales, CAPSTAN Avocats enrichit son approche avec la vision de Kévin BOUCHAREB, ancien directeur mondial « Futur du travail » et stratégie RH.

Cette collaboration vise à combiner notre maîtrise du droit social avec des perspectives novatrices pour répondre aux nouveaux enjeux sociaux, technologiques et générationnels.

La rentrée 2025 ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Dans un contexte international trouble et d’instabilité politique quasi inédite dans l’histoire de la Vème République, faisant peser de lourdes incertitudes sur la vie économique du pays, les mauvaises nouvelles s’enchaînent sur le front de l’emploi. Sophie Binet, patronne de la CGT, estime que « près de 250 plans de licenciements sont en préparation, concernant entre 170 000 et 200 000 emplois », et l’actualité semble lui donner raison : Auchan a dévoilé un PSE supprimant 2389 postes en France, Michelin a annoncé la fermeture de ses usines de Vannes et de Cholet d’ici 2026, avec 1250 emplois menacés en raison de l’effondrement des volumes de vente, sans parler du retentissement de ces perspectives sur la myriade de sous-traitants œuvrant pour ces entreprises. La fédération du bâtiment craint quant à elle jusqu’à 150 000 suppressions d’emploi d’ici mi-2025. Le tissu des PME n’est pas épargné…

De bien mauvaises nouvelles, qui tranchent avec l’optimisme affiché ces dernières années par les pouvoirs publics, incarné par le fameux « objectif plein emploi » scandé par le Gouvernement, et qui s’appuyait sur une amélioration continue des chiffres du chômage. Cette amélioration, bien que réelle, devait cependant être nuancée par deux facteurs : la qualité des emplois créés était bien souvent moindre (emplois à temps partiels, précaires etc.) et surtout le grand mouvement d’ubérisation de l’économie a permis de donner une activité, souvent limitée, à un nombre grandissant d’entrepreneurs en herbe et de les sortir des statistiques du chômage. De quoi relativiser en partie cette baisse du chômage.

Pour autant, c’est bien la situation actuelle qui a de quoi inquiéter. Malgré les efforts récents pour tenter de réindustrialiser le pays, la France et l’Europe ne semblent pas aussi bien armées que leurs concurrents américains et chinois notamment pour faire face à un monde qui se re-conflictualise et qui semble tourner la page de la mondialisation heureuse. Place désormais à un néo-protectionnisme, qui doit aussi se penser sur le front de l’emploi.

Et c’est là que les choses doivent être observées avec plus de finesse. Les déclarations des responsables politiques, syndicaux et patronaux dépeignent une situation catastrophique, laissant anticiper une hausse générale du chômage et une augmentation de la tension sur l’emploi. En réalité, on ne peut pas appréhender ce phénomène de manière aussi manichéenne. La situation pourra être tout à fait différente en fonction de la catégorie d’emploi occupée.

Nous allons vivre une période particulièrement contradictoire, où vont s’opérer dans le même temps de véritables drames sociaux dans des bassins d’emplois déjà sinistrés ou sur des catégories d’emploi faiblement recherchées et une paradoxale augmentation de la difficulté de recruter, retenir et engager des collaborateurs dans les secteurs en tension ainsi qu’auprès des cadres à fortes compétences et disposant d’une véritable valeur ajoutée. Si les prévisions de la Banque de France sont justes, malgré un contexte d’instabilité politique très forte, la France devrait connaître une croissance de 1,2% cette année, qui va donc s’accompagner d’une hausse du carnet de commande et des besoins de main d’œuvre. Exactement au même moment, nous allons observer le départ à la retraite de la dernière génération de boomers, qui représente un nombre significatif d’actifs. Nous allons donc assister à ce que l’on pourrait appeler une « Grande Démission n°2 », puisque la différence entre le besoin de main d’œuvre et la quantité de main d’œuvre qualifiée disponible va s’accroître, et que cela va produire un effet d’aubaine pour les profils déjà très rares, très recherchés (comme des ingénieurs en IA) ou dans des secteurs en tension (comme le secteur de la santé, de l’hôtellerie-restauration, le transport routier, et même le consulting). Ces profils vont être encore plus difficile de recruter, de fidéliser et d’engager.

Il est donc urgent pour le Gouvernement de concevoir des stratégies efficaces et innovantes de transitions professionnelles, permettant de faire face avec plus d’agilité aux aléas de la vie économique (et notamment à la mutation du tissu industriel national et européen) et pour les entreprises de booster leurs efforts d’attractivité et de fidélisation au travers notamment de leur marque employeur et de la qualité de vie au travail pour résister à cette « Grande Démission n°2 », qui va faire peser sur de nombreuses organisations un risque réel de désorganisation voire fermeture, non pas par manque de commande, mais par manque de personnel !

Crédit photo : iStock.com