Le droit de retrait permet au salarié de refuser de prendre son poste de travail ou de le quitter, sans avoir l’accord préalable de son employeur.
Conditions d’exercice du droit de retrait
Pour exercer légitimement ce droit de retrait, le salarié doit avoir un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa santé ou sa vie et en alerter immédiatement l’employeur, sans créer pour autrui une nouvelle situation de danger (C. trav. art. L. 4131-1 et s., voir par exemple Cass. soc., 12 juin 2024, n°22-24.598).
En cas de danger grave et imminent, il appartient naturellement à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour le faire cesser, sauf à prendre le risque de voir engager sa responsabilité – le cas échéant dans le cadre de la reconnaissance d’une faute inexcusable (qui est de droit en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle intervenu à la suite du signalement d’un danger grave et imminent par le salarié et/ou un représentant du personnel dans le cadre de son droit d’alerte).
Aucune sanction ni retenue de salaire ne peut être opérée en cas d’exercice justifié du droit de retrait. Il en va toutefois différemment en cas d’usage abusif de ce droit (voir par exemple Cass. soc., 23 avril 2003, n°01-44.806).
Conséquences de l’usage abusif sur le salaire
Dans cette hypothèse, l’employeur peut-il opérer une retenue sur salaire de sa propre initiative ou doit-il préalablement faire constater l’usage abusif de ce droit par le juge ?
La chambre criminelle de la Cour de cassation s’était déjà prononcée en faveur de la possibilité pour l’employeur d’opérer directement une retenue sur salaire (Cass. crim., 25 novembre 2008, n°07-87 650), mais pas la chambre sociale.
C’est désormais chose faite.
Pas d’obligation de saisir le juge avant d’opérer une retenue sur salaire
Dans un arrêt du 22 mai 2024 (n°22-19.849), la chambre sociale de la Cour de cassation admet à son tour que la saisine du juge sur le bienfondé du droit de retrait ne constitue pas un préalable nécessaire pour permettre à l’employeur opérer une retenue sur salaire, lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies.
Autrement dit, l’employeur est libre, s’il estime que le recours au droit de retrait n’est pas justifié, d’opérer, de sa propre initiative, une retenue de salaire. Cependant, le salarié n’est pas privé d’agir a posteriori afin de faire constater le caractère injustifié de la retenue salariale opérée par l’employeur.
C’est donc avec précaution que cette faculté peut être mobilisée par l’employeur, lequel doit veiller à disposer des éléments de preuve nécessaires pour démontrer l’existence de l’abus du salarié. A défaut, le salarié pourra demander le paiement du salaire retenu à tort (Cass. soc., 19 mai 2010, n° 09-40.353). A cet égard, il a été jugé que la formation de référé du Conseil de prud’hommes peut être compétente pour allouer aux salariés ayant exercé leur droit de retrait une provision sur le salaire retenu par leur employeur. En l’espèce, le juge avait relevé que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail avait constaté un danger grave et imminent d’exposition à l’amiante, et qu’un recours de l’employeur sur la validité de la procédure initiée par ce comité n’avait toujours pas abouti (Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-25.237).