Conditions de travail

Rediff du 27 février 2024

Par une décision inédite de la Cour de cassation, les juges répondent à la question suivante : pour un salarié à temps partiel dont le temps est organisé sur l’année, l’interdiction de porter la durée du travail à hauteur de la durée légale via des heures complémentaires, s’apprécie-t-elle sur la semaine ou la période de référence annuelle ? « Ayant retenu que le dépassement horaire hebdomadaire relevé par la salariée était ponctuel mais qu’il n’était pas démontré que la durée annuelle de travail de 1 600 heures avait été dépassée, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la demande en requalification en contrat de travail à temps complet devait être rejetée. » (Cass. soc., 7 février 2024, n° 22-17.696, extrait)

Dans cette affaire, une salariée travaillait dans le cadre d’un temps partiel organisé sur l’année en vertu d’un accord collectif d’entreprise conclu le 5 avril 2016, en application de l’article L. 3121-44 du code du travail. En cours d’année, sur une semaine du mois de novembre, elle travaille plus de 35 h par semaine. Face à cette situation, elle a saisi les juges afin de faire requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet. Son action a échoué.

Remarque

Soulignons que dans cette affaire, il est fait application d’un accord d’entreprise instaurant un mode d’aménagement du temps de travail pluri-hebdomadaire issu de la réforme au 22 août 2008 et non d’un ancien mode d’aménagement du temps de travail tel qu’issu de la RTT (par ex : modulation).

L’apport de la décision

Le salarié à temps partiel est celui dont la durée du travail est inférieure à celui d’un temps complet (35 h par semaine, 151,67 h par mois, 1607 h sur l’année). Lorsqu’il accomplit des heures complémentaires, celles-ci ne doivent pas avoir pour effet de porter sa durée du travail à hauteur de la durée légale du travail. Pour la première fois, à notre connaissance, la Cour de cassation lève une ambiguïté sur le cadre d’appréciation de cette limite absolue à ne pas atteindre, par l’effet de l’accomplissement d’heures complémentaires, pour un salarié à temps partiel pluri-hebdomadaire.

La Cour de cassation lève une ambiguïté sur le cadre d’appréciation de la limite absolue à ne pas atteindre, par l’effet de l’accomplissement d’heures complémentaires

S’il est de jurisprudence constante qu’un salarié à temps partiel hebdomadaire ou mensuel ne doit jamais accomplir d’heures complémentaires le conduisant à atteindre 35 h par semaine, il en va différemment, selon la Cour de cassation, pour un salarié à temps partiel pluri-hebdomadaire :

« […] en cas d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures complémentaires ne peuvent pas avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau du seuil de la durée légale du travail correspondant à la période de référence, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement. »

Un salarié à temps partiel pluri-hebdomadaire ou annuel peut donc accomplir des heures complémentaires le conduisant à atteindre 35 heures sur une semaine, voire plus, si la durée du travail du salarié à temps partiel demeure, sur la durée de la période de référence, en deçà de la durée du travail applicable aux salariés à temps complet (par ex : 1607 h par an).

Naturellement, ce dépassement d’horaires de travail doit, en outre, respecter les limites habituelles d’accomplissement des heures complémentaires applicables à tous salariés à temps partiel, à savoir, pour mémoire : le nombre d’heures complémentaires accompli sur la période de référence – pour un temps partiel pluri-hebdomadaire – ne peut être supérieur au dixième (voire au tiers, en application d’un accord d’entreprise ou de branche étendu) de la durée du travail prévue au contrat calculée sur la période pluri-hebdomadaire de référence conventionnelle.

Par cette décision, les juges confortent donc l’analyse de l’administration, selon laquelle « Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail – c’est-à-dire 35 heures sur la période supérieure à la semaine définie par l’accord collectif dans la limite de l’année ou 1 607 heures si cette période est annuelle – ou à la durée fixée conventionnellement. » (circ. DGT n°20 du 13 novembre 2008 relative à la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail).

Limite ?

La Cour de cassation a toutefois apporté une précision qui mérite d’être relevée : la salariée avait travaillé moins qu’un salarié à temps complet sur la période de référence (moins de 1600 h sur l’année) et le dépassement horaire réalisé était ponctuel (une seule semaine).

Est-ce à dire qu’un dépassement récurrent serait susceptible d’entraîner la requalification à temps complet, même si la limite annuelle n’est pas atteinte ? Selon nous, cela ne devrait pas, mais des éclaircissements seraient utiles !