En application du code du travail, les entreprises qui emploient habituellement au moins 50 salariés doivent constituer une réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l’entreprise, laquelle est calculée en fonction du bénéfice net de l’entreprise.
Aux termes du même code (art. L. 3326-1, alinéa 1er,), le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l’entreprise sont établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ils ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application du présent titre.
Il résulte de ce texte, d’ordre public absolu, que le montant du bénéfice net et celui des capitaux de l’entreprise devant être retenus pour le calcul de la réserve de participation qui ont été établis par une attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, dont la sincérité n’est pas contestée, ne peuvent être remis en cause dans un litige relatif à la participation, quand bien même l’action en contestation de ces montants est fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de l’entreprise.
Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 5 décembre 1984, n° 36337, publié au recueil Lebon) et du Tribunal des conflits (TC, 11 décembre 2017, n° 17-04.104, Bull. 2017, TC n° 11), l’attestation délivrée en application de l’article L. 442-13, alinéa 1er, devenu L. 3326-1, alinéa 1er, du code du travail a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice et des capitaux propres déclarés à l’administration et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, en sorte que l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes qui établit cette attestation n’exerce pas, dans le cadre de cette mission, un pouvoir de contrôle de la situation de l’entreprise.
Par décision du 24 janvier 2024 (décision n° 2023-1077 QPC), le Conseil constitutionnel a décidé que la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3326-1 du code du travail est conforme à la Constitution.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a précisé en premier lieu que cette attestation a pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice net et des capitaux propres déclarés à l’administration fiscale et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que les montants déclarés par l’entreprise et vérifiés par l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, puissent être remis en cause, devant le juge de la participation, par des tiers à la procédure d’établissement de l’impôt. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général (point n° 8).
Le Conseil constitutionnel a précisé en second lieu que l’administration fiscale, qui contrôle les déclarations effectuées pour l’établissement des impôts, peut, le cas échéant sur la base de renseignements portés à sa connaissance par un tiers, contester et faire rectifier les montants déclarés par l’entreprise au titre du bénéfice net ou des capitaux propres, notamment en cas de fraude ou d’abus de droit liés à des actes de gestion. Dans ce cas, une attestation rectificative est établie aux fins de procéder à un nouveau calcul du montant de la réserve spéciale de participation (point n° 9).
Le Conseil constitutionnel en a déduit que les dispositions contestées ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif (point n° 10).
Par conséquent l’attestation établie par l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes pour le calcul de la réserve spéciale de participation n’est susceptible d’être entachée d’un défaut de sincérité que lorsque le montant du bénéfice net ou des capitaux propres figurant sur cette attestation est différent de celui déclaré à l’administration fiscale pour l’établissement de l’impôt.
Cass. soc., 12 juin 2024, n°23-14.147, FS-B
Dans un autre arrêt du même jour, la Cour de cassation a également jugé que l’attestation de l’inspecteur des impôts est un acte recognitif et ne constitue pas l’octroi d’un quelconque avantage
En l’espèce, le juge du fond a retenu à bon droit que, pour établir l’attestation, l’inspecteur des impôts vérifie la cohérence des données chiffrées transmises par l’entreprise avec celles figurant sur ses déclarations fiscales sans disposer de pouvoir d’appréciation sur la situation de l’entreprise, en sorte que cette attestation est un acte recognitif et ne constitue pas l’octroi d’un quelconque avantage.
Ensuite, il en a exactement déduit que l’attestation rectificative n’avait, ni retiré ou abrogé une décision créatrice de droits, ni refusé un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir, de sorte que, d’une part, la règle selon laquelle l’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision n’était pas applicable et que, d’autre part, l’administration fiscale, pour établir cette attestation rectificative, n’était pas soumise à l’exigence de motivation prévue par l’article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, alors applicable.