Conditions de travail

Confrontés à une situation établie de harcèlement sexuel (sanctionnée pénalement), les juges ont pu considérer que l’employeur, qui avait sanctionné l’auteur d’un avertissement (sans prendre de mesure pour l’éloigner du poste occupé par la victime), avait manqué à son obligation de sécurité (Cass. soc., 17 février 2021, n°19-18149). Pour les juges, dans cette situation, l’avertissement n’était donc pas une sanction suffisante pour protéger la victime.

Ils jugent régulièrement que ces comportements peuvent – voire doivent – être sanctionnés par un licenciement pour faute et, selon les cas, pour faute grave (même si « l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser des agissements de harcèlement moral n’implique pas, par elle-même, la rupture immédiate du contrat de travail du salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral » : Cass. soc., 22 oct. 2014, n° 13-18.862).

Mais quelle réaction l’employeur doit-il adopter face à un agissement sexiste ? Le licenciement de l’auteur des faits est-il toujours la bonne réponse ?

Avant toute chose, rappelons que les agissements sexistes ne sont ni juridiquement, ni socialement acceptables. Ils constituent assurément des faits justifiant que l’employeur sanctionne leur auteur.

Cette assertion n’apporte toutefois, en pratique, pas de réponse concrète aux questions posées et l’employeur confronté à cette situation peut se sentir « tiraillé » entre de multiples intérêts et obligations : son obligation de sécurité, les valeurs portées par l’entreprise, le risque pour l’image de l’entreprise, et la nécessité d’adapter la sanction aux faits, à la situation du salarié, etc.  

Alors quelle sanction retenir ? Pour le déterminer, il convient d’abord de rappeler ce que recouvre la notion d’agissement sexiste.

Introduit par la loi n°2015-994 du 17 août 2015, l’agissement sexiste ne doit pas se confondre avec le harcèlement sexuel.  Cette distinction est une volonté du législateur qui vise à renforcer la lutte contre le sexisme en milieu professionnel, en sanctionnant des comportements plus « ordinaires » qui n’entraient pas dans la définition du harcèlement sexuel.

L’article L. 1142-2-1 du Code du travail pose ainsi le principe selon lequel « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

La lecture de cet article appelle deux observations.

  • Première observation : le législateur ne définit pas précisément ce qu’il faut entendre par « agissement ». Il peut donc s’agir, sans que cette liste ne soit exhaustive, d’une attitude, de propos, de blagues, de gestes, etc. Il n’est, par ailleurs, pas nécessaire que ce fait prenne la forme, comme c’est le cas pour le harcèlement sexuel dit assimilé, d’une « pression grave » exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle (C. trav., art. L. 1153-1 2°).
  • Seconde observation : à la différence du harcèlement, qui nécessite une répétition des faits pour être constitué, l’agissement sexiste peut résulter d’un acte isolé !

En synthèse, l’agissement sexiste est davantage un acte « de la vie quotidienne » commis, parfois sans agressivité, ou sans intention d’être blessant, comme par exemple une remarque sur la tenue vestimentaire portée par une collègue, l’expression d’une opinion telle que le fait qu’il serait normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leur enfant et du foyer familial, la présentation en réunion de sa collègue comme « l’atout charme de l’équipe », etc.

Dans ce contexte, le licenciement n’est pas nécessairement la bonne réponse et peut, au contraire, exposer l’entreprise à un réel risque de condamnation par les juridictions prud’homales.

L’avertissement, la mutation, la mise à pied à titre disciplinaire ou encore la rétrogradation peuvent se révéler être des sanctions plus pertinentes tant d’un point de vue juridique, au regard du principe de proportionnalité qui doit guider l’arbitrage final, que d’un point de vue pédagogique et de prévention.

En conclusion, face à un agissement sexiste, qu’il s’agisse ou non d’un acte isolé, l’employeur doit être vigilant à prendre, de manière systématique et réactive, les mesures rappelant que ces faits ne sont pas tolérés sur le lieu de travail :

  • pour la victime, il s’agira par tous moyens (un entretien, un appel téléphonique, un email, etc.) de la rassurer sur l’absence de tolérance de l’entreprise face à ces agissements.
  • pour le salarié auteur des faits : il s’agira d’engager une procédure disciplinaire et ainsi lui faire part des faits, recueillir ses explications et en fonction déterminer s’il y a lieu ou non de sanctionner… et dans l’affirmative, prononcer la sanction la plus appropriée.

Au-delà, il conviendra de s’interroger sur la pertinence de mener des actions de sensibilisation et de formation. Notons qu’il s’agissait d’une des recommandations formulées en 2023 par le Haut Conseil à l’égalité, dont le 6ème rapport a très récemment été publié et qui fait le constat qu’aujourd’hui encore 9 femmes sur 10 déclarent avoir personnellement subi une situation sexiste (« 6ème état des lieux du sexisme en France : s’attaquer aux racines du sexisme« , Rapport du Haut Conseil à l’égalité, 22 janvier 2024). Par ailleurs, la prévention des risques liés aux agissements sexistes fait partie de l’obligation de sécurité de l’employeur (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2).