Contrat de travail

Nombreux sont ceux qui rĂ©pondent positivement Ă  cette question depuis une dĂ©cision du 29 mars 2023 de la Cour de cassation (Cass. soc., 29 mars 2023, n° 21-15.472).

Or rien n’est moins certain. On s’étonnera toujours de voir Ă  quel point une lecture trop rapide peut verser immĂ©diatement dans l’abus d’interprĂ©tation dès que s’y cache un intĂ©rĂŞt.

PrĂ©cision de taille : le litige portait uniquement sur le reclassement d’un salariĂ© dĂ©clarĂ© inapte par le mĂ©decin du travail.

Le mĂ©decin du travail avait dĂ©clarĂ© une secrĂ©taire mĂ©dicale, responsable de centre de santĂ© au travail, inapte Ă  son poste, en prĂ©cisant qu’elle  »pourrait occuper un poste administratif sans dĂ©placement et Ă  temps partiel (2 jours /semaine) en tĂ©lĂ©travail avec amĂ©nagement du poste approprié ».

L’employeur prĂ©tendait qu’on ne pouvait pas lui reprocher de n’avoir pas proposĂ© Ă  cette salariĂ©e un poste Ă  temps partiel et en tĂ©lĂ©travail parce que :

  • 1° l’avis du mĂ©decin n’était pas clair ;
  • 2° son avis revenait Ă  crĂ©er un nouveau poste ;
  • 3° le tĂ©lĂ©travail Ă©tait incompatible avec le respect du secret mĂ©dical entourant le traitement des dossiers mĂ©dicaux.

Ce Ă  quoi la Cour rĂ©pond que :

  • 1° l’avis du mĂ©decin Ă©tait très clair ;
  • 2° cet avis ne revenait pas Ă  crĂ©er un nouveau poste, s’agissant d’amĂ©nagements pouvant intervenir par simple avenant ;
  • 3° le poste ne requĂ©rait pas l’accès aux dossiers mĂ©dicaux.

Bref l’employeur « tournait autour du pot », et ne justifiait pas de raison crédible pouvant s’opposer à la mise en œuvre du reclassement sur le poste, à temps partiel et en télétravail.

D’oĂą le rappel de la Cour selon lequel « il appartient Ă  l’employeur de proposer au salariĂ©, loyalement, en tenant compte des prĂ©conisations et indications du mĂ©decin du travail, un autre emploi appropriĂ© Ă  ses capacitĂ©s, aussi comparable que possible Ă  l’emploi prĂ©cĂ©demment occupĂ©, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou amĂ©nagement du temps de travail Â».

Le télétravail n’a pas ici de statut spécifique, pas plus que le passage à temps partiel, et la question du pouvoir exercé par le médecin du travail dans sa mise en œuvre n’était même pas au cœur de la problématique traitée.

Ceux qui écrivent que désormais le médecin du travail déciderait seul du recours au télétravail devraient s’y reprendre à deux fois.

… et relire l’article L. 4624-4 du Code du travail :

« L’employeur est tenu de prendre en considĂ©ration l’avis et les indications ou les propositions Ă©mis par le mĂ©decin du travail en application des articles L. 4624-2 Ă  L. 4624-4 [ce dernier article vise les propositions en matière de reclassement]. En cas de refus, l’employeur fait connaĂ®tre par Ă©crit au travailleur et au mĂ©decin du travail les motifs qui s’opposent Ă  ce qu’il y soit donnĂ© suite. Â»

Refuser de mettre en œuvre le télétravail reste possible dès lors que sont développés des arguments opérants et opportuns.

PlutĂ´t que de gĂ©nĂ©raliser Ă  l’excès les dĂ©cisions d’espèce, il serait plus opportun d’engager une vraie rĂ©flexion sur :

  • la manière de caractĂ©riser l’impossibilitĂ© pour l’employeur de donner suite aux indications du mĂ©decin du travail ;
  • et sur les consĂ©quences d’une telle impossibilitĂ©, y compris en l’absence d’inaptitude mĂ©dicalement constatĂ©e.